L’émission Tout le monde en parle du dimanche 10 octobre 2010, diffusée à Radio-Canada, a servi, comme il se doit, d’exutoire, à Jean-François Lisée qui, en bon défenseur de l'honneur de la nation, a pu donner le coup de grâce, tant attendu par la foule, au journaliste anglophone, Martin Patriquin, voué aux gémonies pour avoir osé critiquer le Québec dans le Maclean’s.
Ce combat, parce que c’en était bien un, n’était évidemment pas mené à armes égales.
Lisée a occupé la majorité du temps d’antenne, tandis que Patriquin, qui s’exprimait dans un français hésitant, a pu à peine se défendre. D'ailleurs, ce dernier aurait pu mieux plaider sa cause s'il avait pu s'exprimer en anglais, comme on le permet à certaines célébrités, quitte à ce qu'on traduise ses propos au moyen de sous-titres. Mais sans doute a-t-il voulu montrer patte blanche. Culpabilisé à souhait, le journaliste de Maclean’s arborait, en plus, un T-shirt où on pouvait lire «Don’t fuck with Quebec. Tabarnak », désirant sans doute manifester sa sympathie à l’égard du Québec, société avec laquelle on ne devrait pas niaiser (le sens de l’inscription), et prendre ses distances face aux accusations de xénophobie qui lui a adressées Lisée dans sa revue.
Si l’on a reproché au journaliste Martin Patriquin d’avoir écrit un article tendancieux en publiant un article qui décrivait le Québec comme ayant la classe politique la plus corrompue du Canada, que pourrait-on penser de monsieur Lisée ?
Souverainiste déclaré et ex-conseiller de Jacques Parizeau, ancien premier ministre indépendantiste du Québec, Lisée a évoqué un autre indépendantiste, soit René Lévesque, à l’effet que le gouvernement de ce dernier n’était pas corrompu. Ce faisant, n'a-t-il pas été lui-même tendancieux ? À l’émission, on n’a même pas fait état de ses propres allégeances politiques.
Lorsque Lisée a qualifié l'article de Patriquin de «mauvais journalisme», on a quand même pu entendre l’assistance réagir assez bruyamment pour manifester sa désapprobation. Ce qui montre bien que le public québécois ne suit pas nécessairement son élite dans cette belle unanimité qui a condamné, dans les médias francophones, le magazine de Toronto.
Pour bien comprendre le rôle d’exutoire que semble vouloir jouer cette émission auprès du public québécois, on n’a qu’à se rendre sur le site de Radio-Canada. La séquence de ce coup de grâce fait au journaliste anglophone est bien la seule séquence de l’émission du 10 octobre 2010 que diffuse la société d’État sur son site...
Mais au moins Lisée a admis que le Parlement canadien n’avait pas à adopter une quelconque motion pour se prononcer sur la liberté d’expression, quel que soit l'article, comme on l'a fait -également de manière honteusement unanime - à la Chambre des communes du Canada.
Admettons aussi que la discussion s’est déroulée de façon courtoise et même amicale, le tout agrémenté d’humour.
Anne-Marie Losique
L'émission Tout le monde en parle n’est toutefois pas dénuée d’un certain conservatisme. On a fait la leçon aussi à Anne-Marie Losique, le 26 septembre 2010, car elle a osé se présenter à l’émission en tenue légère pour faire la promotion de son livre – érotique ou pornographique, à vous de choisir le bon terme - Confessions sauvages ainsi que de sa nouvelle chaîne de télévision érotique (ou pornographique).
On n’a qu’à regarder la séquence de l’interview de Tout le monde en parle, disponible sur YouTube, pour constater l’attitude pudibonde, pour ne pas dire méprisante, des animateurs et de certains invités, face à une femme qui – elle ne s’en cache pas – vend du sexe purement et simplement.
D’ailleurs on se garde bien, sur le site de Radio-Canada, de diffuser l’interview avec Losique, préférant afficher, comme seul extrait, celle avec le très clean, Roch Voisine.
Mais pour revenir au traitement fait à Anne-Marie Losique, je ne citerai que le co-animateur Dany Turcotte – incarnation télévisuelle de la pudibonderie – qui a offert à Anne-Marie Losique sa carte traditionnelle, à la fin de l’entrevue, sur laquelle le commentaire suivant était écrit : «Tout comme vous, cette carte est plastifiée et certifiée».
Mon propos ne consiste évidemment pas à juger de la production de madame Losique. C’est plutôt le traitement moralisateur des auteurs de cette émission qui m'intéresse, traitement qu'ils réservent à des personnes dont ils n’apprécient manifestement pas le comportement. J’ai déjà relevé ici même le traitement réservé à une Québécoise qui osait poser nue dans Playboy et ce, contrairement à l’accueil tout à fait cordial -et d'aucuns diraient même admiratif - que l’on avait fait à Arielle Dombasle qui elle, bien sûr, était une invitée française.
C’est ce même ton moralisateur qui a accueilli Anne-Marie Losique, dont on s’est royalement moqué sur le plateau de la société d’État, le 26 septembre 2010.
Cela me dépasse que certains invités acceptent d’être humiliés dans cette émission. «Faites parler de vous en bien ou en mal, peu importe. La controverse est votre seconde peau… » conseille madame Losique sur son site. Je lui souhaite d’avoir raison, car l’esprit moralisateur semble avoir bonne presse auprès d'un certain public.
Dans une lettre ouverte aux journaux, la présidente de l’Association féminine d’éducation et d’action Sociale (AFEAS) a en effet reproché à Losique de porter «une tenue à ce point inappropriée qu’elle rendait mal à l’aise les autres participants» de cette émission. Anne-Marie Losique aurait ainsi discrédité les femmes et les organismes de promotion de la femme. L’AFEAS reproche en outre à Radio-Canada d’utiliser les ondes publiques pour faire la promotion de ses publications pornographiques.
L'émission Tout le monde en parle, sans doute la plus populaire au Québec, est diffusée à la télévision de Radio-Canada, le dimanche soir, à 20 heures.
12 octobre 2010