Les nouveaux médias menacent-ils les journalistes comme ceux, par exemple, du bulletin de nouvelles de Radio-Canada ? C’est la question que l’on doit se poser après le traitement fait à la vidéo, affichée sur YouTube, montrant des femmes portant la burqa et franchissant allègrement le contrôle d’embarquement pour prendre un avion d’Air Canada, sans avoir le moindrement à montrer leur visage, et par conséquent à s’identifier.
Plutôt que d’aller dans le sens de l’inquiétude que cette situation suscitait auprès du public, aux Nouvelles, en langue française, de notre télévision d’État (de 21 heures, le 2 août 2010), on a préféré enquêter sur l’auteur de la vidéo. D’où vient-il ? Qui est-il ? Quelles sont ses idées ? On s’est efforcé de tout faire pour discréditer l’auteur de cette vidéo et pour lancer une investigation sur lui plutôt que d’enquêter sur ce que la vidéo nous révélait.
On a ainsi annoncé en ondes le nom de ce vidéaste qui, semble-t-il, est britannique et, qui plus est, publierait sur le net un blogue «anti-islamiste» de préciser la journaliste de la télévision. C’est tout juste si on n’a pas qualifié l’auteur de nazi.
Mais «l’enquête» de notre bulletin de nouvelles ne s’est pas arrêtée là. Il a fallu aller chercher un soi-disant expert des nouveaux médias afin d’aider les pauvres analphabètes que nous sommes à comprendre l’impact de cette vidéo et aussi la réaction rapide qu’elle a suscitée auprès des autorités, c’est-à-dire du ministre canadien des Transports, qui s’est empressé d’ordonner une enquête.
Le «spécialiste» en question, interviewé par Radio-Canada est un relationniste dont l’entreprise se targue sur son site Internet de «baliser les pistes de succès» de ses clients -futurs et présents- et de «créer des émotions de marque». Voilà donc pour l’expert…
Et que dit-il notre «expert des nouveaux médias» ? Que l’impact de la vidéo «étonne», que celle-ci est peu crédible, qu’elle a subi un montage, et - écoutez bien ! – que la réaction du ministre a été «précipitée» ! Et notre lectrice de nouvelles de le remercier. Eh oui !
N’eût été de cette vidéo, non seulement le ministre canadien des Transports n’aurait pas été informé de cette situation, mais la société de transport aérien, en l’occurrence Air Canada, n’aurait pas émis des directives claires sur ce sujet à ses employés, et ce immédiatement après sa diffusion.
C’est pourtant ce qu’elle a fait.
Ce sont les résultats obtenus par cette vidéo que la chaîne de télévision québécoise TVA, elle, a su montrer dans ses reportages sur le même sujet.
TVA a pu aussi refléter l’inquiétude de la population, en matière de sécurité, en rendant public un sondage démontrant que plus de 90% de répondants souhaiteraient que les passagers aient le visage découvert lorsqu’ils franchissent les zones de contrôle dans nos aéroports.
Notre société d’État ne devrait-elle pas aussi s’intéresser au contenu de l’information plutôt qu’au porteur de la nouvelle ? Car, dans ce cas précis, elle s’en est prise au messager plutôt qu’à la nouvelle.
3 août 2010