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Minarets : l'Europe doit changer son regard sur l'islam

par Gilles Bernheim, grand rabbin de France

Toute décision qui aboutit à donner moins de droits aux fidèles d'une religion qu'aux fidèles d'une autre religion est une décision injuste. Ceci vaut en Suisse comme dans le reste du monde. Je suis contre l'interdiction de construire des minarets, qui a été votée en Suisse.

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Quand on affirme un tel principe, il est nécessaire d'en poser le cadre. Loin de moi l'idée d'une surenchère de revendications particulières prenant pour seul argument le fait que la religion d'en face a plus ou mieux. Mon cadre est celui de la République, de la laïcité et de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui prévoit, dans le même article, «la liberté de pensée, de conscience et de religion».

Chaque pays a une histoire religieuse. Vouloir balayer cet héritage serait un non-sens. En France, il y aura toujours davantage d'églises que de mosquées, synagogues et pagodes réunies. Ce qui est problématique dans la question posée aux Suisses, c'est la discrimination qu'elle instaure en autorisant la construction de clochers et de hauts édifices par les autres religions que l'islam. Jadis il est arrivé qu'on interdise aux juifs de construire des synagogues plus hautes que l'église : c'était défendre le principe d'une religion dominante, ce n'était pas déclarer l'autre religion indésirable.

Aujourd'hui, certains s'interrogent sur la conformité de la question posée avec des engagements internationaux signés par la Suisse. Mais si la question est viciée, alors pourquoi l'avoir posée ? La démocratie est-elle si mal en point que son paroxysme - l'initiative ou référendum populaire - puisse ainsi se tourner contre elle, sans quelqu'un pour bloquer la mécanique infernale ? L'affaire des minarets suisses a commencé en 2006, l'initiative populaire a été lancée en mai 2007 et les 100 000 signatures requises ont été déposées en juillet 2008.

Le «refus du minaret » demande à être analysé. Ce sera fait. On peut déjà envisager quatre motifs. D'abord une défense de l'identité chrétienne qui se trompe de méthode : remplir les églises serait plus utile que de réduire la visibilité des mosquées. Motif contraire, un refus du religieux : on ne craint plus l'église, bien discrète, on ne craint pas la synagogue, qui ne s'adresse qu'à son petit groupe. On craint la mosquée, réputée fervente et recruteuse. C'est le vieux «défense à Dieu d'entrer» que Victor Hugo attribue à Caïn après le meurtre de son frère, qui avait le premier rendu un culte. Motif plus obscur, sans doute plus fort : un vieux peuple qui n'a plus guère d'enfants se voit concurrencé sur sa terre par des nouveaux venus plus féconds. La crainte, enfin, d'une violence islamique à laquelle on fournit pourtant, par ce genre d'attitudes, des armes nouvelles.

Certains condamnent les résultats du vote et la majorité des Suisses qui auraient mal voté. Je pense, au contraire, que l'opinion des Suisses doit être entendue même si, encore une fois, je suis en désaccord avec elle. Nous, autorités de toutes religions, mais aussi les pouvoirs publics et les journalistes avons failli à notre mission de dialogue, de lutte contre les préjugés et de construction d'un avenir commun.

Il serait déplacé de dresser ici la liste des actions menées en France pour le dialogue. De toute façon, on ne dialogue jamais assez et on ne va jamais assez au devant de l'autre. Mais encore faut-il que l'autre ouvre sa porte et qu'il souscrive au cadre républicain. Et aussi que le curé, l'imam ou le rabbin soit le bienvenu dans les lieux de culte qui ne sont pas les siens. Soyons honnêtes et lucides, de grands progrès sont ici à accomplir.

D'autres, encore, ont agité le spectre d'un retour de bâton qui pourrait venir des pays où l'islam est majoritaire ou religion d'État. Les scènes de rue et les débordements de violence qui ont suivi la publication de caricatures par un magazine danois, sont désormais ancrés dans un inconscient collectif. Si elle devenait réalité, la menace d'un retour de bâton ne ferait que renforcer les convictions des Suisses qui ont voté pour l'interdiction. Et elle aurait le même caractère injuste que le vote suisse.

Depuis dimanche, les sondages se multiplient sur Internet, en France et dans les autres pays. Même si l'instrument est imparfait, l'approbation du vote suisse y est majoritaire. Et parmi les minoritaires qui désapprouvent le vote suisse, il en est toujours qui ajoutent dans la même phrase qu'ils ne sont pas, pour autant, favorables à la construction de minarets.

Aujourd'hui, il nous faut agir afin que les Européens - et pas seulement les Suisses - changent d'opinion sur l'islam. Cette obligation vaut pour les responsables de toutes les religions. Elle nécessite dialogue et ouverture. Une partie de l'action est à mener ici en Europe. Une autre partie est du ressort des pays musulmans. Il serait illusoire d'espérer ici des résultats massifs, sans changement visible là-bas.




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Minarets : l'Europe doit changer son regard sur les religions
par Pierre Régnier le 10 décembre 2009

En 2002 je demandais au directeur de l'Université de tous les savoirs une collection littéraire reproduisant, pour combattre leurs effets, les textes qui prônent ou justifient la violence "voulue par Dieu". Ma demande contenait ce passage :

 "" Dans la présentation fragmentée des textes de l'UNESCO sur La Tolérance (ouvrage publié en 1975) on trouve ceci : "Enseigner aux hommes "à raisonner sur la religion, c'est ôter le poignard à l'intolérance, c'est rendre à l'humanité tous ses droits". Pour cela, une seule démarche : "remonter à des principes généraux et communs à tous les hommes".

 C'est sur le second point que je ne suis pas d'accord : la preuve a été faite, selon moi, qu'il faut AUSSI faire l'autre démarche, faire connaître les textes disant le contraire - et souvent ils ont les mêmes auteurs - que ceux qui sont contenus dans La Tolérance. Les faire connaître pour amener les religions qui les ont divinisés / sacralisés / dogmatisés à les désacraliser et les rejeter fermement, une fois pour toutes, de la foi des croyants. Pour atteindre le plus rapidement possible une "ligne de basculement" au-delà de laquelle serait TOUT NATURELLEMENT ressentie comme IRRECEVABLE  toute conception religieuse confirmant que des appels au meurtre (ou même à d'autres violences moins graves) sont "parole de Dieu" (parce que c'est écrit dans les textes sacrés ou pour toute autre raison).

 J'ai l'impression qu'en France aujourd'hui (décembre 2009) la "défense de la laïcité" est devenue dans les grands médias (à l'exception remarquable de Riposte Laïque) la promotion d'un "devoir de tolérer l'intolérable", notamment dans le domaine religieux. Il me semble qu'il faut inverser la démarche et exiger que les religions respectent les acquis républicains, l'égalité de tous devant la loi, la démocratie, les droits de la personne humaine, l'égalité des femmes et des hommes, le droit à la libre pensée et à la libre expression SAUF QUAND ELLE EST CRIMINOGÈNE.

 Pierre Régnier

Minarets : l'Europe doit changer son regard sur l'islam
par Pierre Régnier le 9 décembre 2009

Il est clair ici que l'intention du Grand Rabbin Bernheim est noble. Elle se veut pacifiante.

 

Elle reproduit cependant, une fois de plus, l'ambiguité des responsables de toutes les religions monothéistes, notamment de ceux qui veulent sincèrement un dialogue pacifiant entre les religions : il y aurait un devoir de donner à toutes les religions les mêmes droits et les mêmes moyens de pratiquer, QUOI QUE FASSE la religion concernée.

 

Ce pseudo-principe de bon sens et d'équité est partagé par bon nombre de non-croyants également bien intentionnés. Il est et reste aussi, hélas, celui des États, notamment celui de la France et des autres pays européens. Il conduit pourtant à une impasse.

 

Il me semble que le vrai problème, dans les pays de droit, de démocratie, d'égalité et de laïcité est devenu maintenant celui des PRÉALABLES à exiger de TOUTES les religions, par l'État laïque, pour que leur soient accordés les droits et autorisés les moyens de pratiquer.

 

Si cette nécessité n'est pas examinée c'est que les institutions de toutes les religions monothéistes refusent obstinément d'affronter le véritable problème qui leur est posé, et qui est posé au monde, actuellement comme depuis 3000 ans, par TOUTES les religions : des maltraitances et des violences épouvantables étant commises au nom de Dieu, quelles sont les causes réelles qui conduisent des croyants à les commettre ?

 

Il est selon moi devenu clair que ces causes sont dans l'existence et le maintien, au sein de TOUTES les religions monothéistes, de la conception violente de Dieu. Plus exactement, de la conception DUALE de Dieu : il "veut" (ou "a voulu") à la fois le meilleur ET LE PIRE (jusqu'à des massacres de populations entières "puisque c'est écrit dans les textes sacrés"). Il est devenu manifeste que cette conception est criminogène, que c'est elle qui engendre les croyants schizophrènes, dont ceux qui passent à l'acte violent prétendument "voulu par Dieu".

 

Le vrai devoir de TOUTES les religions monothéistes est de réfléchir enfin, chacune d'abord en son sein, sur les enseignements par lesquels elles maintiennent la conception criminogène de Dieu. Elles doivent évidemment DÉTRUIRE cette conception, cesser de la transmettre aux générations futures.

 

Il me semble qu'il n'y aura pas de possibilité de paix durable tant que les religions n'auront pas procédé, chacune séparément puis toutes ensemble, à cette radicale réforme.

 

Pierre Régnier

Votation en Suisse contre les minarets
par Abel le 7 décembre 2009

Merci pour le vieux peuple qui n'a plus guère d'enfants. Mon père ils étaient 11 enfants, ma mère ils étaient 8, mon frère en a 4 et moi-même j'en ai 6. La raison qui m'a fait voter OUI à l'interdiction des minarets c'est que je ne veux pas d'un Muezzin. Sans Muezzin, plus besoin de minaret. Je ne veux pas d'un appel à la prière pour une minorité de pratiquants. Tous les musulmans ont un portable, ils n'ont qu'à s'en servir pour savoir quand c'est l'heure. Nous sommes déjà suffisamment pollués par le bruit. J'ai entendu que même en Turquie, ils ont demandé de descendre de quelques décibels.

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