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Réflexion sur la tolérance

 

par Patrick Lynes, Ph.D.*

 Selon le Larousse, la tolérance consisterait en « l’attitude de quelqu’un qui admet chez les autres des manières de penser et de vivre différentes des siennes propres. » La tolérance favorise ainsi la conciliation des différences et la cohabitation pacifique entre les êtres humains. La tolérance est en quelque sorte un antidote à la radicalisation des prises de position et à l’escalade des conflits.

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La tolérance est mal comprise par plusieurs. Certaines personnes se rebiffent à l’idée que les autres les tolèrent, ils revendiquent plutôt d’être acceptés au même titre que tout le monde. Ils oublient que les êtres humains sont tous différents, que personne n’apprécie tout le monde et que personne n’est apprécié de tous. Comme tout le monde, nous sommes exposés à la critique, aux évaluations, aux comparaisons. C’est un privilège de pouvoir vivre dans un environnement où nous nous tolérons réciproquement avec nos différences qui parfois dérangent. En fait, dans une société pluraliste et interculturelle, la tolérance est nécessaire parce que justement nous sommes tous différents, que personne n’accepte d’emblée tout le monde et que nous avons tous des limitations.

Certains perçoivent la tolérance comme de la mollesse. Pourtant il s’agit d’une vertu exigeante à pratiquer. Elle implique de se départir d’une part de son égocentrisme pour considérer autre que soi, de reconnaître ses propres limitations, voire de remettre en question certains de nos préjugés parfois inconscients. Faire preuve de tolérance, ce n’est pas adopter une position existentielle passive dans laquelle on ne se soucie pas des autres quoi qu’ils fassent car alors nous faisons plutôt preuve d’indifférence envers les autres et de démission envers soi-même et nos convictions. Au contraire, faire preuve de tolérance nous oblige à aller vers les autres, à chercher à comprendre leurs perspectives au risque d’ébranler les nôtres, de ne pas présumer d’emblée que notre position est supérieure, de reconnaître que peuvent coexister des expériences et des points de vue fort différents, qu’il est même heureux que tous ne soient pas comme soi.

Certains voient la personne qui fait preuve de tolérance comme s’investissant d’une supériorité morale envers ceux et celles qui sont incapables d’être aussi évolués qu’eux. Un peu à la manière où on tolère les crises d’un enfant parce qu’il n’a pas encore développé d’autres moyens pour exprimer ses besoins. Cette façon de procéder n’est pas faire preuve de tolérance mais plutôt d’adopter une position de supériorité et de stratégiquement éviter les confrontations et les remises en cause. La tolérance est plutôt une attitude qui nous invite à considérer l’humanité de l’autre avec sa différence aussi valide que la sienne. Elle nous convie à l’humilité et à l’ouverture critique en regard de ce que nous ressentons et de nos convictions. Cette posture favorise l’acceptation mutuelle et la tolérance des autres à notre égard.

La tolérance nous oblige à la modération, à contenir nos réactions défensives et à exprimer nos réticences sans pour autant disqualifier celles de l’autre. Comme le mentionne le philosophe André Comte-Sponville, faire preuve de tolérance, « c’est aimer la liberté plus que son propre camp, le débat plus que la contrainte, la paix plus que la violence ». (1)

 La tolérance a ses limites. Tolérer des viols, des actes terroristes c’est s’en rendre complice. Ces débordements se doivent d’être sanctionnés. À un niveau interpersonnel, tolérer ce qui nous blesse pour acheter la paix à tout prix, revient à renoncer à exprimer ses besoins et à poser ses limites. C’est se condamner à être à la remorque des besoins et des caprices des autres.

 Avec ce qui précède nous pourrions affirmer que la tolérance est un idéal et de ce fait n’est jamais atteint. Nous ne pouvons la considérer que comme une démarche sans cesse renouvelée pour nous en approcher. Elle consiste à réaffirmer pour soi et pour les autres la liberté d’être avec nos différences, l’ouverture à l’infini des possibles, le besoin de renouer avec notre commune humanité au-delà de ce qui nous distingue.

(1) Comte-Sponville, André; Dictionnaire philosophique. Presses universitaires de France. Paris. p.587.

*Patrick Lynes est psychologue, il a enseigné la gestion des conflits au sein des groupes, à l’université de Montréal. Il a publié Le besoin de l’impossible, impasse collective et promesses d’avenir. Éditions Liber, 2007. Il publiera sous peu : Tout blanc, tout noir? Ces idéologies qui nous divisent.

3 février 2025

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