Un article de La Presse, daté 3 février 2024, vantait l’esprit d’ouverture des Montréalais en désignant certains hôtels et restaurants, lesquels, selon le Green Book que découvre la journaliste, « accueillaient à bras ouverts les visiteurs noirs », alors que régnait, ajoute l’article, la ségrégation. Le texte ne précise pas où régnait la ségrégation raciale, et l’on présume qu’il s’agirait des États-Unis.
Or, j’ai débarqué, comme on le sait, en 1963 à Montréal, et mes premiers amis au Québec étaient tous des Noirs, ils étaient originaires de la Barbade et de la Jamaïque.
Mes copines et mes premiers amours étaient des filles noires. Et le monde vous fixait des yeux dans la rue lorsque vous sortiez avec une Noire. J’étais gêné pour mes copines. Dans les boîtes de nuit qui portaient à l’époque la plupart du temps des noms latinos, (Tropicana, dans l’est de Montréal, Casa Loma, rue Ste-Catherine) les gros malabars qu’étaient les "bouncers" ne nous laissaient pas entrer. Et cela même en 1967, alors que Montréal recevait le monde.
Je dis bien "nous", car j’étais un Noir parmi les Noirs. Assez étrangement, je ne me sentais pas comme un jeune "Blanc" parmi eux, d’ailleurs, on me prénommait Johnny Mathis, à cause de la couleur plutôt foncée de ma peau. Je fréquentais des Noirs, car les Blancs ne savaient pas avoir du fun. Ils étaient bien "plates". Les filles juives ne cherchaient qu’à se marier et les Canadiennes françaises (comme on appelait les Québécoises) craignaient de tomber enceintes (surtout si on les embrassait sur la bouche…, mais ça c’est une autre histoire !).
Ce n’est donc pas un hasard s’il y avait des boîtes de nuit qui appartenaient à des Noirs, et que nous fréquentions, tels que le Rockhead’s Paradise, au coin des rues de la Montagne et de Saint-Antoine, ou une des premières boites de jazz de Montréal, dont le nom décomplexé risque aujourd’hui de heurter les âmes wokes : le Black Bottom, était aussi situé rue Saint-Antoine.
J’ai évoqué cette époque dans mon roman Que Dieu vous garde de l’homme silencieux quand il se met soudain à parler. Disponible entre autres sur https://www.victorteboul.com/Article.aspx?ID=14&L=fr
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Note
Marie Tison, Montréal le Green Book, Un outil de liberté et de dignité, La Presse, samedi 3 février 2024.
4 février 2024