Je suis heureux qu’une place publique du Quartier des spectacles (quel nom !) porte aujourd’hui le nom de ce grand homme du livre, pour paraphraser le titre de l’ouvrage que Yves Gauthier lui a consacré : Monsieur Livre. Henri Tranquille (Septentrion, 2005).
C’est un livre que l’on se doit de lire si l’on veut comprendre ce que furent la culture et la arts au Québec tout au long de la vie de ce grand monsieur qui se battait non seulement pour assurer la survie financière de sa librairie, mais pour offrir aussi un lieu de réflexion et d’échanges aux artistes et créateurs québécois, tout en recevant les visites d’auteurs français.
Pour la petite histoire, j’ai connu Henri Tranquille alors que je travaillais sur ma thèse de doctorat qui portait sur l’hebdomadaire Le Jour de Jean-Charles Harvey. Tranquille avait bien connu Harvey car il fut un des jeunes collaborateurs de son journal. Tranquille me mit en contact avec Bernard Janelle, ce grand collectionneur de journaux québécois et propriétaire de la mythique brasserie Le Gobelet. Janelle fut très généreux : il me prêta trois volumes reliés du journal et j’ai pu étudier en toute tranquillité à mon domicile la période des années 1937 à 1940, couvertes et commentées par l'hebdomadaire, qui furent les années fondatrices du Jour. Ce qui m’épargna de nombreuses heures de lecture à m’esquinter les yeux sur des microfilms dans des salles obscures... Tranquille avait aussi bien connu l’époque qui m’intéressait; il avait 21 ans lorsque Harvey fonda son journal et il fut, pour moi, un témoin inestimable de ces années qui verront l’entrée en guerre du Canada.
S’il nous faut saluer la murale qui nous rappelle l’œuvre de Tranquille, la vidéo (ci-dessous) mise en ligne par les responsables ne rend toutefois pas justice à Tranquille ni à son époque. La description au goût du jour de la peinture qui illustre la vie du célèbre libraire simplifie sa contribution au monde des lettres et à la culture québécoise. Il ne s’agit nullement de culture «underground», comme on le dit dans cet enregistrement, mais de Culture, avec un grand C. Et s'agit-il vraiment de «révolution tranquille» ? Cette expression, qu’on utilise à toutes les sauces, ne me semble pas tout à fait juste. On pourrait associer celle-ci au Frère Untel et au père Georges-Henri Lévesque, mais à Tranquille ? C'est un peu too much, comme dirait l'autre.
On aurait dû, me semble-t-il, faire appel à des historiens ainsi qu’à M. Yves Gauthier, son biographe, lors de l’enregistrement de la vidéo ci-dessous, cela aurait permis une connaissance plus précise de la place d’Henri Tranquille dans le paysage culturel montréalais et québécois. À moins que cela ne soit prévu lors d'une inauguration officielle...
Quoi qu'il en soit, c’est en rappelant à la mémoire les noms de Québécois et de Québécoises qui ont fait avancer l’idée de culture au Québec que l’on consolidera, comme je l’écris souvent, la Nation québécoise.
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Pour en savoir plus sur Le Jour de Jean-Charles Harvey :
Jean-Charles Harvey et son combat pour les libertés
Le Jour. Émergence du libéralisme moderne au Québec
Le libéralisme moderne au Québec Série de 8 émissions sur le même sujet diffusées à la radio de Radio-Canada
Certaines des émissions ci-dessus sur Harvey et son époque sont disponibles au Centre d’archives Gaston Miron
8 août 2021