Le sort de George Floyd, l’homme noir, mort étouffé à Minneapolis sous le genou du policier blanc devant le regard indifférent de ses collègues, nous a tous horrifiés. On connaît les émeutes qui ont suivi en réaction à cet acte odieux, digne du Ku Klux Klan.
Cette tragédie a incité avec raison les communautés noires à manifester au Québec et ailleurs contre le racisme aux États-Unis et dans le monde, même si, on le sait, la discrimination visant les Noirs chez nous ne peut en aucun cas se comparer à celle vécue au sein de la société américaine.
Il est utile de rappeler tout d’abord que la violence policière que subissent les Noirs et autres minorités n’est pas un comportement spécifique au Québec. Alors que George Floyd mourait étouffé aux États-Unis, un jeune Noir de 26 ans était tué quelques semaines plus tôt, soit le 6 avril dernier, par un policier blanc à Brampton, en Ontario. D'Andre Campbell souffrait de schizophrénie et il avait lui-même appelé la police pour être conduit à l’hôpital. De plus, d’après les parents endeuillés du jeune homme, le service de police connaissait les antécédents de leur fils. Mais en arrivant à leur domicile, les policiers ont constaté qu’il tenait un couteau …
Cette situation montre bien que les Noirs sont souvent traités différemment que les Blancs par les services policiers. Mais ce traitement n’est pas propre au Québec. Il existe effectivement une violence policière touchant les Noirs, et celle-ci doit cesser.
Les manifestants du 31 mai et du 7 juin 2020, à Montréal et dans les grandes villes du Québec ont toutefois dénoncé la violence policière, mais aussi le racisme tout court.
Au Québec, toutefois, nous n’avons pas eu un passé raciste visant les Noirs comme aux États-Unis. C’est une vérité qu’il faut répéter car les jeunes manifestants ont une forte tendance à projeter sur la société québécoise la condition vécue par les Noirs américains. Je dis bien les jeunes, car ils sont jeunes, même très jeunes. Que connaissent-ils du Québec et de son histoire ? Que leur a-t-on enseigné ? J’ai déjà commenté ici même ce qu’un Québécois, défenseur de la cause des Noirs, qui s’affirme historien, pense du Québec, et auquel certains médias et secteurs francophones assurent une large audience.
C’est cet amalgame que l’on fait avec la société américaine qui dérange toute personne le moindrement informée et qu’on a pu constater lors des manifestations tenues au Québec, alors que de nombreuses pancartes étaient rédigées en anglais et que certains porte-parole ne maîtrisaient pas notre langue.
De plus, en tant que Québécois, comment ne pas se sentir insultés par les manifestants qui, à Montréal, demandaient aux policiers de s'agenouiller ? Heureusement que nos agents de police ont refusé d’imiter notre si respectueux premier ministre canadien qui, lui, a manifesté sa prétendue solidarité en posant un genou à terre, quelques jours plus tôt, à Ottawa, lors d'une autre manifestation. Or, s’agenouiller équivaut à demander pardon pour une action que nous n’avons pas commise.
S’il faut reconnaître que des Noirs, mais aussi des Blancs, des Latinos ou des Arabes, ont été victimes de violence de la part de notre police durant les quarante dernières années et que certaines minorités sont encore davantage que d’autres groupes interpellées et injustement traitées, réglons ce problème en prenant les mesures qui s’imposent.
Mais qu’en est-il de l’accusation de racisme qu’on adresse à une société dans son ensemble et particulièrement du racisme systémique, dont la définition dépend de ceux et de celles qui proclament haut et fort que nous le pratiquons ?
Faisons un court bilan de l’évolution exceptionnelle d’une société blanche qui aujourd’hui compte près de huit millions et demi d’habitants et qui a accueilli des dizaines de millions d’immigrants de toutes origines tout au long de sa courte histoire. Des immigrants qui en plus ont, pour la plupart, remarquablement bien réussi leur vie. Cela, alors que les Québécois luttent pacifiquement pour assurer leur survie contre les assauts assimilateurs du multiculturalisme canadien.
Donc, faisons le bilan de la place acquise par des Noirs au Québec, même si ce genre de décompte ne m’enchante guère de prime abord, mais dans les circonstances il me semble nécessaire, car autrement un nouvel arrivant, un visiteur de passage, les médias étrangers, ou les volubiles réseaux sociaux, pourraient conclure que la société québécoise est tout simplement raciste.
Donc :
- Notre cheffe de l’Opposition officielle siégeant à l’Assemblée nationale du Québec et ancienne ministre, élue par des Blancs, est une Noire.
Madame Anglade était d’ailleurs présente à la manif du 7 juin 2020. Mais à quel titre ? En tant que femme noire ou en tant que Cheffe de l’Opposition ? Je pose la question, car notre Opposition officielle endosse-t-elle toutes les revendications des manifestants ? C’est cela le problème lorsqu’on se présente en tant que membre d’un groupe ethnique ou religieux et non plus en tant que leader d’une formation politique censée représenter tous les citoyens et toutes les citoyennes, quelles que soient leurs origines.
Notre cheffe de l’Opposition officielle au Québec est donc une femme noire. Ce qui n’est nullement le cas du Canada anglais, où règne le multiculturalisme et où un Blanc dirige à la Chambre des communes l’Opposition officielle de sa majesté, la reine Élisabeth II du Canada. Cela n’est pas non plus le cas de la France, le pays des droits de l’Homme, dont les Noirs sont pourtant des citoyens depuis des générations, surtout si l’on tient compte des départements d’outre-mer. Et, faut-il ajouter, ce sont des citoyens que l’on voit rarement sur les réseaux de télévision de la République, sauf s’ils ont gagné un trophée dans une compétition sportive ou qu'ils présentent un spectacle.
Pour revenir au Québec :
- Deux ministres du présent gouvernement sont Noirs.
- D’innombrables festivals et spectacles consacrés aux arts noirs (cinéma, musique, théâtre) ont lieu à l’année longue au Québec financés par les différents paliers de gouvernements d’une société… majoritairement blanche. Et ce, sans compter qu’un mois tout entier est organisé chaque année par le gouvernement du Québec dans lequel, pour l’édition 2020, plus de 175 activités culturelles et sociales étaient prévues, dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs.
- Le seul auteur provenant du Québec qui ait été élu à la prestigieuse Académie française, dont les œuvres ont été couronnées dans la Belle province…est Noir.
- Des médecins noirs pratiquent dans nos hôpitaux, des professeurs et des directeurs de département au sein de nos universités sont Noirs.
- Des hommes noirs et des femmes noires occupent des postes de haut niveau au sein de nos organismes et de nos institutions.
- Des artistes et des comédiens noirs animent nos émissions à la radio et à la télévision, des commentateurs et des commentatrices noir-e-s signent des chroniques dans nos grands journaux.
- Un réalisateur noir produit une vidéo sur les travailleurs et travailleuses, issus des minorités, oeuvrant dans les secteurs de la santé, et les producteurs blancs des médias l’interviewent le lendemain.
J’emploie intentionnellement le terme de minorités et non le nouveau vocable socialement acceptable de «racisés». Car ce dernier vise une seule chose : montrer que toutes les minorités visibles sont automatiquement et systématiquement des victimes, alors que cela est faux, comme je viens de le démontrer.
Serait-il possible aussi de reconnaître, n'en déplaise aux adeptes du multiculturalisme, que la société québécoise est une société majoritairement blanche, francophone, laïque et… de plus en plus métissée ? De nombreux enfants québécois sont nés de ces unions. Je me demande d'ailleurs s'il existe de nombreuses sociétés blanches qui soient aussi métissées que la nôtre. Sommes-nous donc racistes parce que nous sommes Blancs ? Ne devons-nous pas être fiers de cet esprit d’ouverture et d’accueil qui caractérise le Québec ?
Les comportements racistes, y compris, la discrimination dans l’emploi sont interdits et condamnés par nos lois. Toute personne discriminée peut et doit avoir recours aux tribunaux. Dans plusieurs cas, des organismes leur offrent même un soutien juridique. Si la discrimination existe dans l’emploi, dans le logement ou dans le traitement que les corps policiers réservent à certains groupes, ciblons ces secteurs et prenons les mesures pour l’éradiquer.
Un dernier mot à l'intention des leaders noirs que je respecte et que j’admire : ne faudrait-il pas mettre les pendules à l’heure, afin que les nouvelles générations, les enfants et les adolescents, qui s’identifient en tant que Noirs, ne soient pas emprisonnés dans une pensée défaitiste axée sur la victimisation ?
Ne devons-nous pas mettre en évidence nos réussites et les possibilités de nous réaliser que nous offre la société québécoise ?
8 juin 2020