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L'affaire Matzneff au Québec. L’épuration commence: la Bibliothèque nationale du Québec retire le journal de Gabriel Matzneff de sa Collection

par
Ph.D., Université de Montréal, Directeur, Tolerance.ca®

Brûlera-t-on bientôt les livres interdits sur la place publique ? Que faire avec Mein Kampf ? On vante donc Gallimard qui a décidé de suspendre la commercialisation du journal de Matzneff suite aux accusations de pédophilie dont il fait l’objet et la Bibliothèque nationale du Québec d’emboîter le pas en retirant le même ouvrage de sa collection.

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Que faire alors avec certaines oeuvres d’André Gide, (prix Nobel 1946), du roman Lolita de Vladimir Nabokov (adapté au cinéma par Stanley Kubrick), des écrits de Louis Ferdinand Céline, et de tant d’autres qui ne correspondent plus à la nouvelle morale, comme par exemple certains ouvrages québécois des années 1930 et 1940 et même 1950 (pensons entre autres à l'«historien» Rumilly, que publiait la  maison Fides), qui contiennent des propos racistes, notamment sur les Juifs ?

Je suis entièrement d’accord, cette fois-ci, avec Me Julius Grey qui pense que la décision de Gallimard est regrettable. « Je ne suis certainement pas en faveur de ce genre d’activités, mais je pense que la suppression des livres est devenue un problème majeur dans notre démocratie, au point de se demander si c’est toujours une démocratie ou si c’est seulement une concurrence entre les groupes de pression » a-t-il déclaré

Julius Grey rappelle aussi avec raison que Juliette n’avait que 13 ans dans Roméo et Juliette et affirme que des œuvres fictionnelles comme celles du marquis de Sade n'auraient pu être publiées sous une telle rectitude politique.

8 janvier 2020





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Le charabia des nouveaux Savonarole
par Patrick Pike le 16 janvier 2020

Un bonjour de France et un merci à ceux qui jugent regrettable la décision des maisons d'édition de supprimer de leurs catalogues certains textes de Matzneff.

Tout d'abord corrigeons quelques fautes du charabia du censeur précédent : seau, épuré, dénie au lieu de sceau, épurer, déni. Mais admettons qu'il s'agit là d'une banale inattention.

Plus grave est la comparaison de l'épuration des Nazis avec celle de textes ou d'auteurs jugés indésirables. Les Nazis furent pendus ou fusillés – ce qui ne serait plus le cas aujourd'hui – et je me demande si ce n'est pas ce que souhaiterait l'auteur de " l'épuration comme positive ".

Savonarole, comme bien d'autres, mais il s'agit du plus emblématique d'entre les censeurs, fit brûler, livres, œuvres d'art, vêtements et autres objets de parure qu'il jugeait indésirables ou indignes de la société qu'il souhaitait, sur son bûcher des vanités. Avant d'y finir lui-même.

Jamais je ne dirai qu'il faut tolérer la pédophilie, tout autant qu'une censure inappropriée. Il faut seulement raison garder en opposant l'enseignement à l'horreur. La peine de mort n'a jamais empêché le crime.

Au fait, les éditions Fayard s'apprêtent à réediter Mein Kempf. Quant à Sade, étudié par les philosophes, s'il est villipendé par l'un d'entre eux, Michel Onfray, ce dernier n'a jamais souhaité que l'on brûlât ses œuvres. Il explique et tâche de convaincre ce pourquoi il l'abomine.

En appui à M. Teboul
par Jacques Légaré le 11 janvier 2020

L'auteur (M. Guy Roy) nous envoie des phrases un peu longues, et pas très claires. Son indignation contre Matzneff sent fort. Mais ne convainc pas. Les bras levés ne sont pas de bons arguments.

Je vous renvoie à ma page Facebook où j'ai disposé de cette affaire dont Bernard Pivot disait : «Hier, la littérature passait avant la morale. Aujourd'hui la morale passe avant la littérature». Régression ou mutation ?

Je distingue les actes et la fiction. Tout comme Aristote qui défendit Sophocle qui mit en scène Oedipe-Roi qui tue son père et couche avec sa mère.

Sophocle, confronté aux bigots de son époque, mit habilement la responsabilité des crimes sur le Destin, qui a le dos large. Tout comme a le dos large aujourd'hui à la fois «l'amour » dont se drape Matzneff et la pudibonderie qui expurge les bibliothèques des oeuvres littéraires, fussent-elles de confessions.

Les censeurs incultes sont moins méprisables que les pédophiles, mais guère plus intelligents.

De l'épuration comme positive : réplique à Victor Teboul
par Guy Roy le 9 janvier 2020


Réplique à Victor Teboul
L'épuration politique est, selon Wikipédia, «l’élimination du corps social des membres jugés indignes d’en faire partie ou considérés comme indésirables».
C'est donc dans le contexte d'une prise en compte de l'histoire et de ses turbulences que je réponds à Monsieur Victor Teboul de Tolerance.ca. 
Des oeuvres ont été exclues un temps de la présence publique sans que ne soient altérés les principes de la démocratie qui ne saurait être autre chose qu'un perpétuel affrontement de convictions anciennes et nouvelles qui disparaissent et ré-apparaissent au fil des débats et de l'évolution des moeurs. Le traitement fait à l'oeuvre du pédophile Marzneff ne saurait être prise pour mesure de la qualité de la tolérance ou de la démocratie dans nos sociétés. Il s'agit d'un faux débat initié hors du contexte historique dans lequel il s'est tenu et dans lequel il se renouvelle maintenant.
Le Marquis de Sade serait condamné aujourd'hui comme hier et ses livres censurés. Mein Kampf n'a été ré-édité que longtemps après que l'on en ait démontré «l'indignité» historique. L'épuration la plus connue est celle des nazis de l'appareil politique français après la guerre de Résistance d'une grande partie de la France. Et seuls les nazis actuels crient à l'intolérance et à la censure.
Matzneff mérite l'opprobre dont il est l'objet après tant d'années de tolérance et il est pour le moins douteux de tolérer l'intolérance des pédophiles face à l'intégrité physique des enfants même à une époque où l'on s'aveuglait là-dessus et en arguant que l'on est contre de telles pratiques. Si l'oeuvre de Matzneff doit être conservée pour l'illustration d'un abus de la tolérance, elle ne devrait être publiée qu'avec une version du «Consentement» pour bien montrer qu'elle est l'objet d'une contestation radicale et sans censure de l'intolérable sort fait à l'adolescente par Matzneff dont il a censuré les excès tortionnaires.
Si l'histoire et l'édition ont leurs droits, elles ne peuvent faire l'économie de l'évolution des moeurs. Une oeuvre homosexuelle est aujourd'hui pertinente dans un contexte où les moeurs ont évolué. Si le raffinement social ne tolère plus la pédophilie exposée comme oeuvre d'art, c'est que la société s'est préoccupée du «massacre» des femmes et des enfants comme en parlait en son temps Andrea Dworkin, la féministe radicale qui identifiait la pornographie au viol. Ce qui n'est pas très loin du plaidoyer de la «Fabrique du viol» comme argumentaire contre «la culture du viol». Mais le sort de la pornographie n'est pas encore réglé et son «indignité» pas suffisamment démontrée !
Aux oeuvres ignobles finissent par répondre d'autres oeuvres qui restaurent la vérité. Mais la censure n'est pas épuration au sens où on l'entend chez Tolerance.ca. Elle est une réaction à l'intolérable. On a hésité à raison à ré-éditer Mein Kampf, mais l'histoire veut que l'oeuvre ait été marquée du seau de l'ignominie bien avant sa ré-édition. Ce qui fait de sa publication une anecdote de l'histoire contemporaine épurée du nazisme. Le sort fait à l'oeuvre de Matzneff ne saurait suscité plus de compassion que celui fait aux oeuvres du Marquis de Sade qui sont éditées en «livres jaunes» en textes bons marchés pour les esprits tordus ou les adolescents en mal de découvertes sexuelles.
Dans le contexte de l'évolution des moeurs provoquée par le féminisme et les luttes anti-coloniales, la censure se mesure au grand cas qu'on fait de la préséance de l'ancien sur le nouveau quand celui-ci a démontré sa pertinence pour écrire l'histoire avec un regard neuf dont les sédimentations ne sauraient être invoquées par simple réaction à l'innovation. L'épuration a donc tout lieu d'être si elle confirme l'affirmation de la préséance du nouveau sur l'ancien.  
Est-ce que l'art y perdrait en substance si Roméo et Juliette était joué devant des pédophiles en mal du spectacle d'une adolescente nue et consentante à un acte sexuel avec un adulte ? Ce serait dénaturer la trame de l'histoire du texte et de sa présentation théâtrale dans l'histoire elle-même. Roméo n'était-il pas adolescent lui-même ? Ce qui présente l'histoire sous un autre jour que celui de la présumée pédophilie de Shakespeare.
Il faut mettre les choses en perspective et ne pas plaider pour plaider comme maître Julius Grey sait le faire.

De l'épuration comme positive
par Guy Roy le 9 janvier 2020

J'entends par épuration ce mouvement qui a consisté à purger les nazis des structures du pouvoir français après le guerre de Résistance. Elle était justifiée et l'histoire lui a donné raison.

Vous ne devez pas confondre l'assainissement des moeurs par l'épuration des oeuvres qui ont marqué de crimes la carrière d'un écrivain. La pédophilie ne peut être considérée comme le fruit d'une démarche artistique sérieuse et ne saurait trouver place dans une apologie du crime.

C'est cela qu'il s'agit d'épurer pour marquer un progrès de civilisation.

Si l'oeuvre est à conserver pour le dénie qu'elle témoigne d'une époque, elle ne saurait être diffusée largement comme le nazisme ne saurait l'être que comme le contraire de la tolérance. On ne peut tolérer n'importe quoi. Surtout la banalisation de l'abject.

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Victor Teboul est écrivain et le directeur fondateur de Tolerance.ca ®, le magazine en ligne sur la Tolérance, fondé en 2002 afin de promouvoir un discours critique sur la tolérance et la diversité. 

Contact :  info@tolerance.ca

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