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Des collégiennes musulmanes se racontent

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Tiraillées entre deux cultures, les étudiantes musulmanes doivent redéfinir leurs rapports avec leurs confrères masculins, justifier leurs choix de vie auprès des autres musulmanes et s’intégrer dans leur nouvelle société d’accueil. Les défis sont multiples. Chacune les relève à sa manière. La plupart des collégiennes musulmanes ne portent pas le voile et la religion n’est pas très présente dans leur quotidien. Mais même dans les milieux des étudiantes les plus pratiquantes, le rapport au voile qu’elles portent et leur regard sur la société d’accueil est très varié d’un groupe à l’autre, voire d’une étudiante à l’autre. Les musulmanes, contrairement aux stéréotypes, ne présentent pas qu’un profil : elles sont plurielles.


« Je me sens belle et libre sous mon voile »
Serene et ses amies trouvent normal que leur local au John Abbott College, établissement anglophone postsecondaire, situé à quelques kilomètres de Montréal, soit isolé de celui des jeunes hommes. « Ici, on socialise entre filles, il y a des choses que nous préférons ne pas partager avec les gars », explique-t-elle. « C’est logique, fait remarquer Rafif, puisque nous portons le hijab pour ne pas être regardées par les hommes.»

« Je me sens libre à l'intérieur de mon hijab » ajoute Sedra. Elle s’y sent belle aussi : « Notre hijab, nous le mettons d'une belle façon. Nous sommes modestes dans nos habits mais nous essayons d'être bien. Le hijab n'est pas nécessairement une sorte de voile noir à mettre tous les jours. Il y a des gens qui nous disent qu’ils aiment ce que nous portons ».

Sedra est une grande brunette née au Canada au sein d’une famille d’immigrants pakistanais. Elle en est à sa deuxième année à John Abbott College. Elle et ses copines, Serene, Rafif et les autres, ne sont pas dupes. Elles reconnaissent les regards qui les jugent. « Mais ce n’est pas si grave », relativisent-elles avec philosophie.

Oui, il y en a qui les trouvent trop réservées, qui pensent que leurs familles les obligent à se couvrir, qui les prennent en pitié. Tout cela, elles en sont conscientes. Mais elles essaient de corriger les stéréotypes.


« La religion nous donne nos droits »
Elles accusent, entre autres, la télé. À force d’avaler ce que projette le petit écran, «les gens assimilent toutes les voilées aux femmes d'Afghanistan ou aux Saoudiennes qui n'ont pas le droit de conduire une voiture », s’indigne Rafif. « Mais ça c'est la culture, à ne pas confondre avec la religion qui nous donne nos droits ». Cette culture, Rafif ne nie pas pour autant qu’elle la subit même ici, à Montréal : « J'ai participé à une collecte de fonds pour mon pays d’origine, le Pakistan. J’ai alors vécu une expérience négative avec les gars de ma culture. Ils se croient vraiment supérieurs aux femmes ».

Mais il faut projeter aussi le regard critique sur la culture de l’Occident, et Rafif a ses opinions à cet égard : « Ici, la société a réduit le corps de la femme à un objet sexuel à afficher ». C’est pour cela, entre autres raisons, qu’elle porte le voile : « Moi, je ne veux pas que mon corps soit comme ça, je tiens à le préserver».

Même si elles sont conscientes des préjugés à l’égard du port du hijab, les filles voilées de John Abbott ont une impression très positive de leur ambiance au quotidien. « Les gens sont ouverts d’esprit et tolérants », estiment-elles tout de même.

Nadine et ses amies, étudiantes au collège Vanier, un autre établissement de langue anglaise de Montréal, sont loin de partager cet avis. Ces musulmanes voilées se retrouvent souvent à leur local de prière, où elles parlent entre copines. «À Vanier, on ne te critique pas parce que tu portes le hijab. Mais il y a ces questions "innocentes" qui reviennent souvent : Pourquoi vous portez ça sur votre tête? », s’exclame Sabah sarcastiquement, en soulignant que c’est une manière maquillée de contester le port du voile.

Belle grande fille de 19 ans, Nadine a un visage oriental et une voix très timide. Ses origines sont moitié libanaises, moitié iraniennes. Elle en est à sa deuxième année à ce collège.

Jusqu’à il y a quelques mois, Nadine avait hâte, chaque matin, d’arriver au 821, boulevard Sainte-Croix, à ville Saint-Laurent où est situé le collège Vanier. Non seulement parce qu’elle se plaisait à y étudier les sciences sociales, mais aussi parce qu’elle y retrouvait ses nombreux amis appartenant à plusieurs ethnies. Par ailleurs, elle appréciait de plus en plus ses visites au local de prière des filles musulmanes, qui presque toutes, contrairement à elle, portaient le voile.

Mais depuis qu’elle leur a emboîté le pas, sa vie a basculé. « C'est un de ces moments où on se sent vraiment une minorité non respectée » confie-t-elle. Du jour au lendemain, tous ses amis non musulmans l’ont dénigrée. Plus personne ne lui adresse la parole, à l’exception d’une amie juive. Mais Nadine ne regrette rien.

Depuis qu’elle porte le hijab, le local de prière réservé aux filles musulmanes du collège lui sert de refuge. Elle y retrouve ses copines qui lui ressemblent et qui la réconfortent du mépris ambiant. « Même le chauffeur de l'autobus ne me répond plus quand je lui dis bonjour et au revoir, alors qu’avant, il me faisait de larges sourires », se plaint-elle.

Les étudiantes voilées de Vanier regorgent d'anecdotes à propos des comportements des chauffeurs d'autobus à leur égard. Sabah, d’origine pakistanaise, se prépare à faire des études en biochimie à l’Université Concordia. Elle s’est réveillée un bon matin avec une forte envie de changer de tenue. Elle a mis une ibaya blanche (voile que portent les Saoudiennes et qui couvre tout le corps, sauf le visage). À l’arrêt où elle attendait son autobus, le chauffeur a freiné, juste le temps qu'une dame descende, puis à la vue de la silhouette blanche, il a très rapidement redémarré.

Les autres étudiants font aussi souvent montre d’intolérance, affirme-t-elle. Elle raconte qu’une fille voilée qui avait exprimé son point de vue lors d'une discussion en classe s’était fait dire : « Pourquoi vous ne retournez pas dans votre pays si vous tenez tant à votre religion? »

« Le climat ici n'est pas encourageant », se plaint Asmaa, dont les parents sont originaires du Pakistan. « Des profs n’acceptent pas qu’on sorte du cours pour faire nos prières. Quand il y a des discussions à propos de l'islam, ils sont sceptiques à notre égard. Puis il y a ce regard qui nous juge tout le temps parce que nous portons le hijab ». « Il y a des profs qui nous disent : ‘Gardez votre religion en dehors de la classe’», renchérit Nadine.

Ces étudiantes expliquent ainsi le fait qu'elles se tiennent tout le temps ensemble : « Nous devons être là si jamais quelqu'un s'attaque à l'une de nos sœurs ».


« On va tous en famille à la cabane à sucre »
Pourtant, des voilées qui vivent bien leur différence « en vraies Québécoises », on peut facilement en croiser. Elsie, d’origine libanaise, arrivée au Québec à l'âge de 2 ans, en a 19 à présent. « Ce n'est pas parce que je porte un voile que je veux passer inaperçue. Je sors du décor et puis, je veux que le monde me parle, me remarque. Je veux qu’ils voient qu’il y a une différence, je veux surtout que le monde vienne me poser des questions », déclare l’étudiante du collège francophone de Maisonneuve.

Elsie explique ainsi son attitude: « La première chose à changer, c’est pas les Québécois, c’est les Arabes. C’est vrai qu’on s’isole beaucoup, mais ce n’est pas ça qu’il faut faire. Il faut aller vers eux ». Elsie adore expliquer sa religion et apprendre des autres. Alors que ses copines non voilées se présentent en disant « Houda, Tunisienne » et « Siham, Marocaine », Elsie s’identifie autrement : « J'ai l'air "téteuse" [flagorneuse] de dire ça, mais moi je me sens d'abord Québécoise. Les Québécois n'ont pas une culture limitée qui fait que tu te sentes rejetée. On va tous en famille à la cabane à sucre1 . La seule affaire, c’est que mes origines sont libanaises ».

Les étudiantes non voilées, qui constituent la majorité des collégiennes musulmanes, n’ont pas de difficulté à communiquer avec celles qui le sont. Entre Elsie et ses copines Maghrébines « très à la mode », le courant passe très bien, mais au collège André-Laurendeau, il en est autrement.

« Elles [les filles voilées] me disent ce que je dois faire, s’indigne Fadwa. On a tous des choix à faire dans la vie. Elles n'ont qu'à respecter mes choix comme je respecte les leurs ».

Toutes les filles non voilées ne font pas preuve de la même ouverture au sujet d’idées qui choquent leur culture religieuse. Fadwa forme un trio avec Sarah et Feriel. Ses deux copines la taquinent beaucoup car elle est « trop Québécoise » à leur goût. Elles divergent avec elle, par exemple, sur les droits des homosexuels. « Je suis pour le mariage gai, pour l’adoption des enfants par les couples gais. Je crois que je suis la seule. Tout le monde me lapide quand je sors ça », se plaint-elle. Pour son anniversaire, le cadeau qu’elle a demandé à ses copines « conservatrices » est de l’accompagner à un bar gai. « Nous nous sommes sacrifiées pour elle », commentent-elles en riant aux éclats.


1 Cabane à sucre : bâtiment construit dans une érablière pour y faire cuire l’eau des érables et la transformer en sirop, en tire et en sucre. On y sert également des plats québécois traditionnels. Chaque printemps au «temps des sucres» la visite à la cabane devient l’occasion au Québec de joyeuses réunions de familles et de groupes de collègues et d’amis.


* Rafif, Sedra, Serene et les autres, étudiantes au John Abbott College, dans leur local de prière.


Cet article fait partie d'une série sur la diversité des valeurs et des croyances religieuses dans les milieux collégial et universitaire réalisée grâce à la contribution financière de :






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Salam alaikom
par Mariam23 le 7 février 2007

je m appelle Sabrina mercier je suis quebecoise d origine et je suis converti depuis 6 ans et je porte le hijab depuis 4 jours mnt et je me sens bien sous mon hijab je me sens proteger du mal
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