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Le Deuil

par , collaboratrice, engagée dans le cadre de nombreux projets d'étudiants de Tolerance.ca
Mon jeune voisin Martin replongera sans doute, dans quelques jours, dans de tristes souvenirs puisque cela fera un an que son père est décédé d’une crise cardiaque. Cela fera un an que, pour la dernière fois, il a vu ce dernier quitter la maison sans savoir que quelques heures plus tard il allait mourir, et qu’il aurait dorénavant à vivre sans la présence paternelle à laquelle il s’était habitué pendant 17 ans.

La vie est parsemée d’expériences positives et négatives qui nous permettent d’avancer et de nous forger en tant que personne. Pour Martin, il s’agissait d’une première perte, une perte qui lui fut extrêmement douloureuse, d’autant plus qu’elle était inattendue. Mais comme je l’ai lu récemment dans le livre Passages obligés de Josélito Michaud, « dorénavant, j’ai la conviction que les petits et les grands deuils qui jalonnent le parcours de nos vies sont des passages obligés ». Des passages obligés vers la résilience, une sorte de transition entre la peur de voir notre vie subir un changement radical et entre l’acceptation de ce changement.

Je vous écris aujourd’hui sur un sujet qui nous touche tous un jour ou l’autre de près, un sujet qu’il est plus facile et à la fois plus pénible de ressentir que de décrire. J’espère que vous vous reconnaîtrez dans les prochaines lignes et que, si le cœur vous en dit, vous m’écrirez vous aussi sur les expériences que vous avez vécues.

Le deuil…douleur interne et externe

Le deuil est aujourd’hui considéré comme une maladie tellement il a d’impacts sur l’état mental et physique de celui qui le vit. Lorsque je m’arrête à y penser, et pour moi-même l’avoir vécu (j’y reviendrai dans les prochaines lignes), il est vrai que cet état d’âme s’apparente énormément à une quelconque maladie. J’ai lu sur le site Internet d'Info-santé qu’il existe cinq étapes caractérisant cet état d’âme, d’une durée variable selon l’importance du deuil et de la personne qui le vit. Il y a d’abord le choc, c’est-à-dire l’impression que ce qui se passe autour de nous est irréel, y compris l’annonce de la mauvaise nouvelle. Viennent ensuite la négation, la colère, la dépression et l’acceptation. Mais tous ces termes ne semblent pas suffisants pour démontrer la signification du deuil pour la personne qui le vit. Laissez-moi plutôt vous parler de ma propre expérience et de celle des gens qui me sont chers, mon texte vous en sera ainsi plus familier. Vous verrez que, peu importe le type de deuil auquel nous pouvons être confrontés, nous passons à un moment ou à un autre par toutes ces étapes, linéairement ou non.

Mon passage obligé


Je me souviens avoir été confrontée très jeune à l’idée de la mort. Mes plus vieux souvenirs me replongent dans des soupers de famille, que mes parents faisaient concorder à quelques minutes près avec le début du bulletin de nouvelles de T.V.A., suivi à ce moment de l’émission La Guerre des Clans et, quelques années plus tard, des Mordus. Je me rappelle d’ailleurs m’être souvent demandée comment une telle émission, qui s’entamait toujours par l’annonce du décès d’une ou de plusieurs personnes et qui se poursuivait en mauvaises nouvelles d’autres genres, pouvait être suivie par un programme humoristique. Comme quoi il n’y a pas d’âge pour commencer à se poser des questions!

Je me souviens aussi avoir été souvent excitée par l’attente du bulletin de nouvelles de 6 heures, me demandant s’il allait y avoir plus ou moins de drames que la veille. L’idée de la mort m’était déjà devenue banale, et l’accroissement de la création de films violents durant les dernières années me convainc que les jeunes d’aujourd’hui doivent avoir cette même attitude que j’avais alors acquise, les moins jeunes aussi, bien entendu.

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Puis, ça m’a frappée. C’était en juin 1999, j’étais à mon chalet à Chertsey. Je lisais, comme toujours, la section des décès dans le Journal de Montréal (vous allez peut-être me trouver bizarre, mais si j’étais la seule à le faire, elle ne se trouverait plus depuis longtemps dans ce journal misant davantage sur le profit que sur son contenu). Quoi qu’il en soit, je m’arrête sur un avis de décès en particulier, celui d’un jeune garçon de 13 ans qui se prénommait Simon. Et, plus je lisais les lignes, plus je trouvais de concordances entre ce jeune garçon et un de mes amis. Lorsque j’ai terminé ma lecture et que j’ai su qu’il s’agissait bien de lui, je me rappelle avoir ressenti une étrange sensation d’irréalisme. J’avais imaginé que la mort faisait mal, mais pas à ce point. Et je ne parle pas de la douleur qu’a dû ressentir Simon avant de mourir d’un caillot de sang au cerveau, mais bien de la mienne. J’ai alors commencé mon deuil, je me rappelle ne m’être même pas présentée aux funérailles de mon ami. Personne ne m’en a blâmée, tous et chacun a une façon bien personnelle de vivre son deuil.

Quelques années plus tard, après avoir accepté la mort de Simon (je dis bien accepté et non pas oublié), et après avoir amplement passé par-dessus mon deuil, je suis replongée dans ma peine, et pourtant pas à cause du décès d’une personne qui m’était chère. Il s’avère que je vivais alors ma première peine d’amour, et que je ressentais en tous points ce que j’avais ressenti quelques années plus tôt, lors de la mort de mon ami. J’ai donc à ce moment cessé d’associer l’idée du décès au deuil : Éric, même s’il n’était pas mort, n’était plus dans ma vie. C’est plutôt cette idée de perte et de changement qui me faisait mal. Je me souviens, ma mère me répétait sans cesse que j’allais un jour rencontrer un autre garçon. Je n’en croyais pas un mot, la première peine d’amour étant toujours comme la fin du monde pour tout adolescent, et surtout pour les filles.

Puis, avec le temps, j’ai compris qu’en effet, on finit par passer par-dessus ces deuils. Pour ma part, l'écriture m'a beaucoup aidée. Je suis une personne qui a beaucoup de difficulté à s'exprimer verbalement et à s'ouvrir aux autres. L'écriture était donc pour moi la meilleure solution : je me vidais le coeur tout en gardant ma tristesse pour moi. Certaines autres personnes peuvent, contrairement à moi, ressentir le besoin de parler de leurs états d'âme, ce qui est bien aussi. Un deuil, c'est personnel, et la seule solution miracle pour passer au travers, c'est le temps. C'est facile à dire, mais c'est vrai.

Le refus de perdre quelqu'un

J’ai vécu plusieurs deuils dans ma vie, et pour des raisons très différentes les unes des autres. Dernièrement, j’ai eu à prendre la décision de donner l’euthanasie à mon chat qui souffrait d’un cancer, maladie plutôt rare chez les animaux. Bien entendu, ma première réaction a été de refuser cette solution, je ne voulais en aucun cas me séparer de cet animal avec qui je partageais ma vie depuis 13 ans. Avec du recul et en constatant avec les jours que mon chat souffrait, j’ai pris conscience de l’égoïsme dont je faisais preuve en refusant de le laisser partir. J’ai donc commencé à vivre mon deuil avec ma petite boule de poil. Je crois que, pendant des jours, la boule que j’avais dans la gorge était même plus grosse que mon chat. En tout cas, c’est la sensation que j’avais. J’ai beaucoup pleuré. Le premier soir sans lui a été le plus difficile : le sentiment de rentrer à la maison et de savoir que j’allais la trouver vide a été très poignant, j’en ai eu de la difficulté à respirer lorsque j’ai appelé son nom par habitude et que j’ai constaté presque immédiatement après qu’il ne viendrait pas me voir, comme il l’avait fait pendant 13 ans. C’est long, 13 ans à avoir l’habitude de quelque chose et de devoir se faire à l’idée que ça va changer. Mais encore une fois, ma mère était là pour pleurer avec moi… et pour me soutenir! Je n’ose pas imaginer ce que ça doit être de perdre un père ou une mère. Comme une amie m’a déjà confié après le décès de son père : « Lorsque j’avais de la peine, c’est toujours lui que j’allais voir. Maintenant que je souffre comme je ne l’ai jamais fait auparavant, il ne peut pas être là pour me réconforter ».


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Prise de conscience apaisante


À 19 ans, je commence à peine à vivre ce genre d’expériences, et plus j’avance dans le temps, plus je passe au travers de mes deuils avec davantage de facilité. Je ne crois pas que cela ait un lien avec la maturité. C’est plutôt qu’à mesure que les expériences qui jalonnent ma vie se succèdent, je comprends, comme je vous l’ai dit, qu’il s’agit de passages obligés, des passages qui nous font grandir et qui nous permettent d’obtenir un regard totalement personnel sur la vie, sur les gens, sur les événements.

Pendant mon adolescence, j’ai eu la chance incroyable de rencontrer un petit homme, qui possédait pourtant une force incroyable. Francis avait un cancer depuis plusieurs années. Il ne devait pas dépasser l’âge de 20 ans et, malheureusement, il ne l’a effectivement pas dépassé. Faire la rencontre de quelqu’un comme lui m’a fait constater à quel point je suis chanceuse aujourd’hui de pouvoir profiter de ma vie et de pouvoir vivre les expériences qu’il n’aura jamais pu vivre, aussi banales que celle de conduire une voiture. Ce qu’il m’a appris m’aide aussi à passer par-dessus ces passages obligés : je vis pour les gens qui ne peuvent plus vivre, j’en profite parce que je suis certaine que c’est ce qu’ils voudraient de nous. Et s’il arrive que je ressente de la culpabilité, j’imagine que c’est un état d’âme que vivent aussi les veufs ou les veuves qui reprennent un conjoint ou une conjointe lorsqu’ils s’y sentent prêts, je me souviens de Francis, qui m’aurait probablement trouvé égoïste de ne pas profiter de la vie, ce qu’il aurait fait si lui en avait eu la chance. C’est ça, un passage obligé : tomber pour mieux se relever, pleurer pour une personne afin de réaliser qu’il faut profiter des moments que nous allons passer avec les autres, avant qu’ils ne partent eux aussi.

* Les noms et prénoms des personnes dont il est question dans cet article ont été changés pour protéger la confidentialité des gens concernés.




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Deuil de ma mere
par pierrette le 3 décembre 2008

Je viens de perdre ma mere - et je trouve cela terriblement dur et j'ai plus d'espoir pour vivre - elle était tout pour moi - une chum - une complice - une mère et enfin tout - présentement je pense juste a une chose aller la retrouver = j'ai besoin d'aide Merci pierrette

Opinion
par mohamed a. le 20 septembre 2007

La méditation en la mort et la disparition d'un etre cher nous emméne a etre plus attachés aux personnes qui nous sont cheres,a profiter des beaux moments qui nous restent avec elles,a les respecter,a les aider,a les pardonner s'elles comttene des lacunes.....c'est ce que j'ai compris de ce bel article.j'espére que la tristesse des gens peinés,endeuilées soient diminuée,exorcisée.Merci.
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