"Reconnaissons que l’ancien journaliste Drainville ne s’est pas laissé intimider par le sociologue de Chicoutimi qui ne faisait que se référer à des études de la fameuse Commission Bouchard-Taylor (qu’il a co-présidée) pour expliquer son opposition au projet de charte."
Et vous croyez qu’il doive se référer à quoi? Une poignée de témoignages de citoyens comme M. Drainville? M. Bouchard et M. Taylor ont passé 15 mois à pondre le rapport de la commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Ils ont passé 4 de ces mois à recevoir des centaines de personnes dans le cadre d’audiences publiques. 310 pages avec 37 recommandations divisées en 8 thèmes... C’est le résultat de la commission. Il "ne faisait que" se référer à ses études, l’étude la plus rigoureuse sur le sujet dans le contexte québécois.
"J’ai trouvé de plus particulièrement pertinente l’intervention du ministre lorsqu’il a rappelé à M. Bouchard que la Commission qu’il avait co-présidée avait elle-même recommandé que les membres occupant certains postes d’autorité s’abstiennent de porter des signes religieux «ostentatoires», selon l'expression consacrée."
M. Drainville n’a rien "rappelé" à M. Bouchard. M. Bouchard savait parfaitement ce qu’il a recommandé : passer l’interdiction à tous ceux qui ont un pouvoir de coercition (policier, juges, procureurs, agents de détention). Un docteur, un employé de garderie, un enseignant et tout autre fonctionnaire n’a, légalement, aucun pouvoir de coercition. De là l’absurdité de la charte de Drainville selon M. Bouchard.
"J’ai rarement vu M. Bouchard manquer autant d’arguments."
C’est parce que M. Drainville tournait autour du pot. Il n’a pas répondu à une seule des questions de M. Bouchard (malgré le fait qu’il ait bien répondu aux questions préparées de M. Lepage et aux blagues de M. Turcotte). M. Bouchard a posé des questions bien précises et M. Drainville, en véritable politicien, répondait avec des phrases préenregistrées n’ayant aucun lien avec la question. C’était, bien au contraire, M. Drainville qui manquait d’argument. Ceci se voyait par sa tendance à dominer la conversation, à ne pas répondre clairement aux questions et à son agressivité apparente. M. Bouchard savait exactement quelles touches appuyer pour rendre M. Drainville inconfortable. "Est-ce qu'on pourrait revenir à ma question?"
"On pourrait ajouter dans le débat actuel où certains se basent sur la défense de soi-disant libertés, alors que ces mêmes libertés sont bafouées dans les pays où les femmes portent le voile, de ce qu’il adviendrait lorsque des citoyennes et des citoyens refuseraient d’être servi-e-s par une fonctionnaire voilée où lorsque des parents s’opposeraient à ce que leurs enfants aient comme éducatrices des femmes voilées, car justement cela contreviendrait à leurs propres principes."
Le débat actuel est un débat québécois pour des valeurs québécoises. Pourquoi parlez-vous alors des "pays où les femmes portent le voile"? Si un citoyen refuse d’être servi par une fonctionnaire voilée ou un fonctionnaire portant la kippa ou le turban car ceci "contreviendrait à leurs propres principes" c’est que leurs principes sont des principes discriminants. La compétence d’une personne à faire son travail doit être mesurée sans discrimination. Pour que l’on s’entende sur la définition de la discrimination:
Considérez en premier lieu le troisième article de la charte des droits et libertés de la personne du Québec :
"Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association."
Et le dixième article de cette même charte :
"Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit."
Nous avons déjà la protection de nos droits et libertés par cette magnifique charte. Pourquoi aurions-nous besoin d’une charte des valeurs pour venir restreindre ces mêmes droits qui sont protégés? De plus, nous avons déjà un article dans la constitution québécoise garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes et préservant la laïcité des institutions publiques (chapitre 8 de la constitution). La législation est déjà en place pour nous protéger.
"Quant à l’émission Tout le monde en parle, on aura remarqué cette nouvelle formule permettant à deux figures de l’actualité de s’affronter, ce qui a dû certainement captiver les téléspectateurs."
Je suis parfaitement d'accord avec vous sur ce point. Cependant:
"Souhaitons que les concepteurs de l’émission continuent de nous offrir des discussions d’un aussi haut calibre qui cadrent parfaitement avec l’ambiance décontractée de Tout le monde en parle."
La discussion était loin d'avoir un haut calibre. J'aimerais que M. Drainville réponde aux questions de M. Bouchard honnêtement. Je vous invite à réécouter l'émission: http://www.youtube.com/watch?v=LsIeljgwA9A |