Avec la mondialisation et l’inévitable brassage de cultures qui en découle, les risques d’incompréhension entre les peuples augmentent. En Occident, les réflexions, visant à défendre les cultures locales (ancestrales) contre celles des immigrants jugées difficilement assimilables, se multiplient. Pourtant, l’Occident s’est longtemps prévalu d’une tradition universaliste héritée des lumières ; laquelle tradition était théoriquement basée sur l’humanisme défendue par plusieurs de ses adeptes : Montesquieu, Voltaire, etc.
Aujourd’hui, les exemples d’un regard dépréciateur des Occidentaux sur la culture de l’Autre sont légions et touchent quasiment toutes les régions du monde. Au Québec, on s’interroge sur les accommodements raisonnables et les risques pour la société d’accueil d’accepter les demandes illégitimes de groupes minoritaires (Arabes et Juifs). Aux USA, ils se demandent si leur président – noir – est bien américain. En Suisse, on interdit les minarets. Presque partout, on découvre les « dangers » du hallal, du port du voile, du sabbat, etc. Parfois, on reconnaît que les Asiatiques sont bien intégrés, tout en ayant peur de leur domination. Lors de son discours en Egypte en 2009, Barack Obama, président des USA avançait : « il est important que les pays occidentaux évitent d’empêcher leurs citoyens musulmans de pratiquer leur religion comme ils l’entendent - par exemple en dictant la manière dont une musulmane doit s’habiller. On ne peut pas déguiser l’hostilité à l’égard d’une religion sous le couvert du libéralisme ».
Autant nous vivons dans une époque où tout semble aseptisé, autant les excès n’ont été aussi nombreux. Ainsi, on ne peut plus dire le mot « nègre » publiquement, mais on peut refuser un emploi à un Noir sous couvert d’incompétence. L’humour sur les Juifs n’est pas possible mais celui sur les Arabes l’est.
La tolérance, mot qui symbolise des valeurs de partage et d’acceptation de l’autre, devient synonyme de laisser-faire ou de chacun pour soi. Pourtant, la tolérance suppose aussi le risque, le risque de s’opposer, de dénoncer qui implique aussi celui d’accepter.
L‘acceptation de l’autre, de ses valeurs, de ses croyances ne va pas de soi. Il s’agit d’un processus sans fin qui nécessite une certaine prudence car l’acceptation des valeurs de l’Autre suppose un risque pour nos propres valeurs.
Du coup, en invoquant le respect de nos valeurs, on induit que celles des autres peuvent être un danger pour les nôtres. Face à l’incompatibilité des valeurs, la démocratie apparaît comme le garde fou ultime : les demandes des minorités sont un risque pour la démocratie, pour notre démocratie. Rappelons-nous les propos de Levi-Strauss qui militait pour une véritable reconnaissance de la diversité culturelle. Pour lui, la vie de l’humanité ne se développe pas sous le régime d’une uniforme monotonie mais selon des modes extraordinairement diversifiés de sociétés et de civilisations. Et si la démocratie, si chèrement invoquée, n’était-elle que le paravent du néo-racisme ?
Texte soumis au Débat-rencontre soulignant les dix ans de Tolerance.ca, «Antisémitisme, racisme, homophobie, islamophobie : la liberté d’expression est-elle en péril ?», qui a eu lieu à la Librairie Zone Libre de Montréal, le 29 novembre 2012.
Mis en ligne le 12 décembre 2012