En ce qui touche la responsabilité qui incombe aux nouveaux médias, nous sommes plusieurs à nous plaindre d’Internet et de Facebook, et de nous préoccuper de l'utilisation de nos informations personnelles, mais que dire des médias traditionnels ?
Je lis ce matin sur tous les titres de nos médias la manchette suivante : «Professeur de karaté accusé d'agression sexuelle sur une mineure».
Cette «agression» aurait eu lieu il y a 26 ans, alors que la «victime» avait 16 ans.
J’insiste sur le conditionnel et les guillemets entourant les mots agression et victime, car nos journalistes ne s’embarrassent pas ici de ces nuances.
Il s’agit donc d’un professeur de karaté qui a aujourd’hui 48 ans.
Faites le calcul et vous verrez qu’en voulant rendre cette nouvelle d’actualité, on pourrait penser que le prof en question a commis cet acte hier.
Or, cela se passait il y a 26 ans. Donc l’homme avait, à l’époque, 22 ans et sa victime 16.
Mettons qu'avec l’écart d’âge ainsi réduit, cela permet de comprendre qu’il ne s’agit plus d’un homme de 48 ans, mais bien d’un jeune homme de 22 ans qui aurait agressé une jeune fille de 6 ans sa cadette.
Ce qui n’excuse en rien l’acte d’agression, si celui-ci a bien eu lieu. Effectivement, si il a eu lieu.
Or, tous les articles parus sur ce sujet indiquent bien qu’il s’agit d’une accusation. Comment se fait-il, dans ce cas, que l’on identifie le présumé agresseur en indiquant son nom, sa profession, la ville où il réside et, en plus, en publiant sa photo ?
Cet homme, accusé d’un acte, qui aurait eu lieu il y a 26 ans, est déjà reconnu coupable par les médias et sa réputation est détruite à tout jamais, avant qu’il n’ait subi de procès.
En ce qui concerne cette situation précise, on pourrait aussi se demander pourquoi avoir attendu 26 ans pour accuser cet homme ?
Mais, ce qui est encore plus important, qu’en est-il de la présomption d’innocence, reconnue pourtant par notre Code criminel ?
Le site éducatif www.educaloi.qc.ca nous apprend ceci à ce propos :
«La présomption d’innocence est le droit pour tout accusé d’être considéré comme innocent à l’égard de l’infraction dont il est accusé, tant qu’il n’a pas été déclaré coupable par un juge. Le juge peut déclarer une personne coupable d’une infraction lorsque cette personne plaide coupable ou suite à un procès.
Le droit à la présomption d’innocence est garanti par le Code criminel. Il est aussi protégé par la Charte canadienne des droits et libertés en ces termes : ‘’Tout inculpé a le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable’’ ».
Ne faudrait-il pas, alors que l’on se préoccupe tant dans notre société de protéger la vie privée des individus, tenir compte de cette présomption avant de divulguer des informations sur des personnes dont la culpabilité n’a pas été démontrée en cour et qu’elles n’ont pas été inculpées d’un crime ?
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Voici, à titre d’exemple, un de ces articles parus sur cette présumée agression (j’ai supprimé les éléments permettant d’identifier l’accusé) et qui illustre ce que je relève ci-dessus.
Professeur de karaté accusé d'agression sexuelle sur une mineure
La police de … est à la recherche de présumées victimes de …… un professeur de karaté de 48 ans déjà accusé d’agression sexuelle sur une jeune fille de 13 ans.
X a comparu en décembre dernier au palais de justice de Québec relativement à cette agression qui se serait produite dans le milieu des années 80 à son domicile de …..
La jeune fille était alors une de ses élèves.
L’accusé a enseigné le karaté dans les années 80 et jusqu’en 2003 …, avant de déménager à … pour poursuivre son enseignement.
Les personnes qui auraient été victimes de …. ou qui détiennent de l’information pertinente à son sujet, peuvent communiquer en toute confidentialité avec le service de police de … via la ligne …
Le 13 janvier 2011