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(French version only)

Le Bastion des larmes (1) est une vengeance. L’auteur remue la plume dans la plaie afin de se venger d’une souffrance dont le corps est le seul témoin. Comment oublier ce que la chair a subi ? La cicatrice est indélébile.  Se venger, c’est acheter le silence de la doxa. Donne-leur de l’argent, tu vas sûrement éviter leurs médisances. C’est donc le matériel qui détermine leur conscience, le reste n’est que pure hypocrisie. Qui a dit que la justice est faite pour les faibles ?  Nous ne sommes pas toutes et tous égaux devant la loi, car être homosexuel dans une société où la religion et le pouvoir politiques sont complices est anormal est contre-nature. La liberté individuelle, vous dites. Allez vendre ce discours aux mécréants. Seules les sœurs comprennent ce que veut dire efféminé.

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Dans Le Bastion des larmes, les narrations s’écrivent en larmes.  Des larmes qui font mal au défunt. Plus on pleure, plus le corps brûle dans l’au-delà. Et puis, il y a des larmes qui réparent. Elles confirment le lien sacré avec celle qu’on aime, en l’occurrence la mère.

Salé, Hay Salm (Quartier La paix) est la traduction d’une chanson qui résonne en ce corps et caresse le rêve qu’emporte l’océan. (Ana bahlam bik) Moi, je rêve de toi. A Hay Salam, l’orient installe son idiome et séduit l’émerveillement   qui implore le lendemain. A Hay Salam, chaque espace crée son ambiance, forge ses personnages et transgresse son intimité. Les péchés se délavent au hammam à la recherche d’une miséricorde dans la maison de Dieu. Allah est grand. Au quartier Hay Salam, nos corps se libèrent, nos rires éclatent. La joie sur les lèvres. Nous sommes bénis, frères et sœurs par le sourire de la mère. Hay Salm est l’histoire d’un corps violé et violenté. Voici donc le revers de la carte postale.

Dans Le Bastion des larmes, les objets ont leurs significations. Car ils représentent l’héritage symbolique que la mère a légué à ses enfants. Le mortier jaune en est l’illustration. Le mortier jaune est le signe d’une richesse dans la pauvreté. C’est le symbole de la Baraka. Le mortier jaune diffuse l’odeur qui chasse le djinn de la maison et éloigne le mal du corps minuscule. Le mortier jaune appelle la beauté que la nature déploie sur tout l’univers. Personne ne sait taper au fond du mortier hormis la mère. Elle maîtrise bien le coup, comme l’on dit dans notre jargon. Elle prend la main du mortier, se concentre et tape fort. De chaque coup surgit une odeur qui envahit tout l’appartement. L’odeur des plantes  séchées et écrasées qui nous servent de médicaments. Le mortier jaune exerce sa force sur nous et éternise notre nom. « Nous continuerons votre chemin même quand il fera très noir. Nous porterons ce mortier loin dans  le temps, loin dans l’avenir .» (2)

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Il va sans dire que ce roman a l’audace d’exposer l’hypocrisie de la société envers l’homosexualité.  Il met en exergue la complicité du religieux avec le politique dans le  but de bafouer la liberté individuelle de la personne  pour exprimer sa différence.  Il faut noter que cette audace de dévoiler les dessous politiques s’inspirant du religieux pour réprimer cette liberté n’est pas souvent mise en relief par certains écrivains et écrivaines marocainEs.

Le Bastion des larmes prouve encore une fois que le roman marocain, d'expression française, se porte bien. Ce roman est écrit en français mais parle marocain. 

Je vous le recommande.

Notes

-1- Abdellah Taïa, Le Bastion des larmes, Editions Julliard, Paris, 2024, Prix Decembre 2024 et Prix de la langue française 2024.

-2- Le Bastion des larmes, page 41.

28 novembre 2024

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