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La pédagogie d’Haroun Bouazzi et la construction de l’Autre

(French version only)

par Daniel Baril, anthropologue et militant laïque

Pour justifier ses accusations sournoises de racisme dirigées contre les élu-e-s de l’Assemblée nationale, Haroun Bouazzi a déclaré que son allocution devant l’auditoire de la Fondation Club Avenir était en fait « de la pédagogie sur comment on construit l'Autre comme étant inférieur et dangereux ».

En sociologie, l’expression « construction de l’Autre » renvoie au concept d’ « altérisation ». Il s’agit d’un procédé intellectuel consistant à considérer un groupe de personnes comme étant fondamentalement différentes des personnes de son propre groupe d’appartenance. Mais l’altérisation est plus que la simple perception des différences. Le terme est surtout utilisé pour désigner une essentialisation négative et péjorative de l’autre en le réduisant à un élément dépréciant afin de le rabaisser. Cette attitude peut aller jusqu’à susciter de la haine à son égard et à entrainer des traitements discriminatoires.

Lorsque Donald Trump, par exemple, parle des migrants latino-américains comme étant des bandits, des voleurs, des violeurs, des mangeurs de chats et de chiens, il fait de l’altérisation. Ce dénigrement sans distinction justifiera plus tard l’épuration ethnique déjà annoncée. 

Selon Haroun Bouazzi, le fait de dire que le Québec a accueilli plus d’immigrants que ses capacités d’accueil en santé, en éducation et en logement constitue de l’altérisation, ou du moins participe à « la construction de l’Autre comme étant inférieur et dangereux », ce qui constitue du racisme.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que sa leçon de pédagogie en est plutôt une de démagogie fondée sur le même procédé que celui qu’il dénonce. En accusant à tort et à travers et sans discernement ses collègues de faire de l’altérisation des musulmans et des maghrébins, il participe lui-même à la « construction de l’Autre » comme étant raciste. Cet Autre, c’est à la fois les membres de l’Assemblée nationale et tous ceux et celles qui pensent que l’immigration, dans une société libre et démocratique, nécessite d’être contrôlée, ne serait-ce que numériquement.

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Le cas de l’école Bedford

L’allocution de Bouazzi contient d’autres éléments révélateurs de sa position mais qu’aucun média n’a rapportés. Abordant le cas de l’école Bedford sans la nommer, il a affirmé que ce qui a été rapporté concernant le climat toxique instauré par une clique d’enseignants et d’enseignantes de cette école (violations de la Loi sur l’Instruction publique, du Régime pédagogique, de la Charte des droits, de la Loi sur la laïcité, discrimination sexuelle, incompétence, etc. ») constitue « la seule représentation des communautés maghrébines et de leur culture ».

Où va-t-il chercher une telle insinuation sournoise et mensongère? Personne n’a réduit la culture maghrébine aux incompétences et manquements rapportées à Bedford. Bien au contraire, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a lui-même tenu à souligner que la dénonciation du climat toxique de cette école a en tout premier lieu été rapportée par des enseignants eux-mêmes d’origine maghrébine. En faisant fi de cette réalité, c’est plutôt Haroun Bouazzi qui se trouve à réduire l’ensemble des musulmans et des maghrébins aux pratiques anti-pédagogiques dont s’est rendue coupable la clique en question.

Il a aussi tenu à dénoncer le fait que ces violations de nos lois et de nos pratiques éducatives aient été associées à « tout le discours qui vient avec ‘’entrisme’’ -- l’envahissement de cette culture [maghrébo-musulmane] et du danger qui l’entoure ». Mais en se limitant à dénoncer ces formulations sans condamner les graves problèmes signalés dans le rapport d’enquête, il se trouve par le fait même à excuser, voire à cautionner, ces pratiques inacceptables teintées d’intégrisme religieux et montre ainsi de quel côté il se situe.

Haroun Bouazzi dit n’importe quoi sans mesurer la portée de ses paroles. Mais ses déclarations n’ont rien d’une maladresse : puisqu’il a pris la peine de prendre son dieu à témoin avant de lancer ses accusations, son discours d’altérisation raciste vient donc du fond de son âme.

NDLR. M. Haroun Bouazzi est le député de la circonscription de Maurice Richard à l'Assemblée nationale du Québec. Il a été élu le 3 octobre 2022 sous la bannière de Québec Solidaire. 

26 novembre 2024



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