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Le cas de l’école Bedford et les limites de la loi 21 : la réaction du Mouvement laïque québécois

(French version only)
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président, Mouvement laïque québécois

Dans le sillage du rapport accablant sur le cas de l’école Bedford, plusieurs commentateurs ont souligné à juste titre que la Loi sur la laïcité de l’État devait être renforcée. Mais malgré les limites de cette loi, plusieurs de ses dispositions ainsi que celles d’autres lois ont manifestement été violées par ce qui est rapporté sur l’enseignement dispensé à cette école.

Le fait qu’un enseignant ou une enseignante de l’école Bedford ait fait ses ablutions et ses prières en classe est déjà contraire à la loi 21 qui oblige à une neutralité religieuse « de fait et d’apparence ». Le fait qu’un autre se soit contenté de faire une prière suite à l’évanouissement d’un élève est à la fois contraire à la loi 21, contraire au Code civil qui oblige de porter secours à une personne en difficulté, contraire aux obligations de la fonction enseignante, contraire à tout civisme élémentaire et à toute logique.

Qu’on ait refusé des services de soutien psycho-éducatif lorsque requis est contraire à la Loi sur l’instruction publique et au Régime pédagogique. Le fait qu’on ait dissuadé, voire interdit, à une élève de jouer au soccer pour la seule raison qu’elle est une fille est contraire à de nombreuses lois et règlementations à commencer par la Charte des droits et liberté.

Une laïcité à renforcer

Des reportages sur l’école Bedford nous font par ailleurs voir par les fenêtres de l’école des enseignantes portant des tenues religieuses. On ne sait pas si elles étaient en fonction avant l’adoption de la loi 21. Si ce n’est pas le cas, elles enfreignent la loi. Le droit acquis de porter de tels signes, que plusieurs ont considéré comme un compromis acceptable, devra être remis en question.

D’autre commentateurs ont pour leur part soutenu que la loi 21 ratait la cible parce qu’elle met l’emphase sur « ce que les enseignants et enseignantes ont sur la tête plutôt que sur ce qu’ils ont dans la tête ». Même la co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, a repris à son compte un tel sophisme, comme si un signe identitaire fort porté sur la tête ne reflétait pas ce qu’il y a dans la tête.

Il est faux de dire que la loi 21 met l’emphase sur les signes religieux. Ce sont les opposants à l’adoption de cette loi qui ont centré le débat sur cet élément qu’ils contestent jusqu’en Cour suprême du Canada. Cette interdiction de porter des signes religieux par les représentants de l’État est une disposition essentielle d’une laïcité « de fait et d’apparence » exigée par la Cour suprême du Canada dans son arrêt MLQ contre Saguenay.

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Évidemment, cette interdiction ne garantit pas que l’école soit à l’abri de tout prosélytisme religieux. Mais elle oblige la personne à faire un choix entre l’affichage de convictions dogmatiques, voire intégristes, et le respect de la liberté de conscience des élèves dont elle a la charge. Cette prise en compte ne peut qu’avoir des effets positifs sur son attitude en classe.

Dire qu’aucun enfant n’a changé de religion parce qu’une enseignante portait un signe religieux est un autre sophisme. Le port de signes religieux a un effet conflictuel manifeste entre les enfants d’une même communauté qui ne partagent pas le même mode de vie, les mêmes valeurs ou les mêmes convictions. Devant les tribunaux, les opposants à la loi 21 ont affirmé que le port de signes religieux faisait partie de leur pratique religieuse. La pratique religieuse ne fait pas partie de la fonction enseignante et n’a lieu de s’exercer dans la classe.

L’interdiction du port de signes religieux devrait donc s’appliquer non seulement aux enseignants et enseignantes mais à tout le personnel scolaire. En fait, elle devrait s’appliquer à tout fonctionnaire qui, par définition de sa fonction, est inévitablement un représentant de l’État. Limiter cet interdit aux seuls représentants de l’État en autorité coercitive ou éducative est un héritage de la logique boiteuse du rapport Bouchard-Taylor qui réduit ainsi la laïcité à un principe de répression policière plutôt qu’à une composante de la neutralité religieuse de l’État.

La loi sur la laïcité devrait par ailleurs interdire toute activité religieuse à l’école même en dehors des heures de classe pour éviter que l’édifice ne se transforme en lieux de culte en accueillant les mêmes enfants comme c’est arrivé à l’école Bedford où le gymnase a servi de local pour la fête musulmane de l’Eid organisée par la mosquée voisine.

Le premier ministre François Legault invite pour sa part la population à dénoncer des situations telles que celle observée à Bedford. Très bien. Mais encore faudrait-il une instance responsable de faire respecter la loi sur la laïcité qui est pour l’instant une loi orpheline. Nous croyons que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse devrait avoir le mandat d’enquêter sur des plaintes concernant le non-respect de la laïcité. Pour l’instant, elle ne peut enquêter que sur des manquements à la charte des droits et il faut entreprendre des recours civils pour faire respecter le droit à des services publics laïques prescrits par la loi 21.

Finalement, à brève échéance, le gouvernement devra mettre fin au financement des écoles privées à vocation religieuse pour éviter que les fonds publics ne servent l’endoctrinement religieux souvent contraire à nos principes démocratiques fondamentaux.

24 octobre 2024

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