Les écrits de Hela OUARDI relatifs aux traditions musulmanes traitant de la genèse de l’Islam dont le prophète Mohamed en est le messager, s’inscrivent dans la continuité de ce que Houria Abdelouahed a développé dans son ouvrage : Les femmes du prophète, sans oublier la démarche audacieuse que Fatima Mernissi a optée dans ses livres, en l’occurrence Le harem politique.
Il fallait à mon humble avis commencer par Les derniers jours de Muhammad pour bien saisir les dessous politiques des Califes maudits. Car comme le rappelle Hela OUARDI, la préparation de la relève ou la guerre de succession s’est déclenchée bien avant que le messager ne rende l’âme, pour paraphraser la doxa.
Qu’est-ce que j’ai retenu en gros de cet intéressant ouvrage ?
Peut-être que pour un lecteur lambda, le titre proposé pour cet écrit n’est pas attractif. Il y a ceux qui, en lisant le titre, vont se demander s’il s’agit d’une période dans l’histoire de l’Islam dont la présence de la chair n’est qu’accidentelle, tandis que l’éternel réside dans son héritage. Il y en a d’autres, pour des raisons je dirais idéologiques, qui vont se dire que la mort de Mohamed ne nous intéresse pas du moment que toute interprétation d’un événement n’est enfin de compte qu’une projection sur ce que nous vivons actuellement afin de justifier l’histoire de la violence commise au nom de la religion. Mais ce n’est qu’en lisant Les derniers jours de Muhammad que l’on découvre que le contexte de la mort de Mohamed est plus complexe qu’on l’imagine et que la corrélation du politique et du religieux ne s’est constituée au sens institutionnel qu’après la mort du prophète.
Lire Les derniers jours de Muhammad, c’est assister à la décomposition du corps et la déconstruction des traditions qui ont puisé dans ce mystérieux événement. La mort de Mohamed est aussi l’expression d’une chair presque divine que l’on voulait perdurer et que la loi de la nature a réduite au fini. Ce qui m’a intéressé la plus dans ce récit riche de contradictions qui animent le doute, est que contrairement au mode de succession au sein duquel le Calife est imposé, la mort du prophète annonce la fin du consensus autour de sa personne et libère l’envie du pouvoir au nom de l’Islam.
À dire vrai, la soif au pouvoir au nom d’une légitimité que chaque clan voulait assigner à son engouement à succéder au prophète, n’est en fait que le prolongement d’un conflit auquel nous assistons aujourd’hui. Les divergences entre les sunnites et le chiites illustrent que les Compagnons de Mohamed comme l’attestent les récits des traditionalistes n’attendaient que la mort du prophète pour lui succéder au nom du religieux que Mohammed a accompli.
Les derniers jours de Muhammad nous renvoie également aux différentes stratégies des personnages qui voulaient s’accaparer du pouvoir. Il s’est avéré par la suite que le personnage le plus habile des Compagnons, c’est celui qui s’est appuyée sur l’imaginaire social en justifiant sa légitimité en tant que Calife susceptible de pérenniser le message au nom duquel le prophète fut envoyé.
Je vous recommande ce récit passionnant et bien documenté.
LHELA OUARDI, LES DERNIERS JOURS DE MUHAMMAD, Nouvelle édition au format de poche : Editions Albin Michel, 2017.
13 juin 2019