
par Raïss Tinmaung
Alors que les leaders du monde industrialisé se préparent pour leur rencontre au G7 et le débat inévitable sur les droits de douane imposés par les Américains, les Rohingyas dans les camps de réfugiés au Bengladesh se préparent à affronter la mousson, et ceux dans les villages sous blocus à l’intérieur du Myanmar se préparent à une intensification de la famine.

On estime à 81000 le nombre de femmes enceintes qui s’apprêtent à accoucher dans les camps de réfugiés, 9 mois après les viols collectifs par les autorités militaires du Myanmar. Il s’agit là de plus de deux fois le nombre total de naissances qui aura lieu au Canada au cours du mois de juin. Les organisations Human Rights Watch et Fortify Rights viennent de présenter un rapport conjoint au Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes qui fournit le détail de leurs observations sur les abus sexuels et les viols des femmes et des filles du Nord de l’État de Rakhine. Même si plusieurs gouvernements ont exprimé leurs préoccupations quant à la situation qui prévaut au Myanmar, aucun n’a adopté de mesures qui reflètent la gravité de la situation.
En tant qu’hôte du G7, le Canada a la possibilité de jouer un rôle de premier plan, ainsi que l’a suggéré la Ministre des Affaires étrangères. Comme le mentionnait Bob Rae dans une de ses recommandations sur la situation des Rohingya, les pays du G7 peuvent s’inspirer du Mécanisme international impartial et indépendant pour documenter les crimes perpétrés par les forces armées du Myanmar en vue d’appuyer des poursuites devant une juridiction internationale. Les membres du G7 qui ont signé la Convention sur les génocides peuvent invoquer ses dispositions auprés du Myanmar, qui l’a ratifiée. Le G7 peut collectivement imposer des sanctions sur les généraux du Myanmar pour les dissuader d’éliminer ce qui reste des populations Rohingya et de vraisemblablement massacrer par la suite d’autres groupes ethniques comme les Kachin, les Karen, les Chin et les Shan.
Sur le plan humanitaire, les dirigeants du G7 peuvent faire pression sur le Myanmar pour qu’il laisse passer l’aide aux villages sous blocus où sévit la faim. Ils peuvent s’engager à fournir les 950 millions de dollars que réclame le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, pour soutenir, au Bengladesh, les camps de réfugiés et les communautés hôtes, la santé et l’éducation des femmes, ainsi que l’accompagnement des victimes de viol. Les leaders peuvent également prendre des mesures pour contrecarrer des nouveaux développements en matière d’exploitation sexuelle et de radicalisation des jeunes. Finalement, les leaders peuvent et doivent élaborer une stratégie à long terme pour un retour sécuritaire des réfugiés vers leur terre d’origine. Le Myanmar doit sentir la pression internationale pour en venir à donner libre accès à l’aide humanitaire, aux journalistes et aux organismes de défense des droits humains, à élaborer des programmes de réconciliation nationale et à adopter les recommandations du Rapport de Kofi Annan sur l’État de Rakhine.
La rencontre du G7 offre l’occasion d’intervenir collectivement dès aujourd’hui. Cette intervention aura un impact direct sur les réfugiés et les populations sous blocus. Et surtout, cette intervention peut éviter l’élimination totale des Rohingya au Myanmar et l’organisation probable de génocides ultérieurs d’autres minorités ethniques.
Réseau pour les droits humains des Rohingya
Raïss Tinmaung est lui-même un Rohingya, est allé en mission en début d’année dans les camps de réfugiés au Bengladesh.
8 juin 2018