Je publie dans les pages en langue anglaise de notre magazine en ligne Tolerance.ca le récit émouvant de mon ami David Barzilay. David est le survivant d’une page moins bien connue de la Shoah, soit celle du génocide dont ont été victimes les Juifs sépharades et, plus spécifiquement, les Juifs grecs de Salonique, dont la grande majorité d’entre eux (plus de 50,000) périrent dans les camps nazis.
J’ai connu David alors que nous fréquentions en France, au début des années 1960, la même école privée anglaise, The English School of Paris (aujourd'hui The British School of Paris), alors située à Marly-le-Roi, à une vingtaine de kilomètres de la capitale (oui, oui, je sais, il s’agit ici d’un autre épisode de mon singulier parcours : j’étais inscrit à une école anglaise…en France !). J’avais du mal à croire que ce blond aux cheveux frisés était juif et grec ! C’était un grand joueur de ping-pong et il savait danser le rock and roll. Je me souviens de lui avoir demandé, à l’occasion du bal de Noël que l’école organisait tous les ans, de m’initier à cette danse si prisée des filles et dont les gars plus âgés (j’avais 12 ans) maîtrisaient si bien les pas.
C’est beaucoup plus tard que je retrouvais David, par pur hasard, alors que nous étions tous deux étudiants à l’Université Sir George Williams (aujourd’hui Concordia) à la fin des années 1960.
J’avais donc une vague idée de son histoire. Je savais qu’il avait miraculeusement échappé aux massacres perpétrés par les nazis, mais je ne connaissais pas tous les détails de son périple. Je ne savais pas qu’il avait été baptisé et confié à un orphelinat, deux semaines après sa naissance, alors que ses parents étaient déportés vers les camps. Il séjournera deux ans à cet établissement avant qu’un de ses oncles ne parvienne à le retrouver.
C'est grâce aux efforts minutieux et perséverants d’une équipe de chercheuses grecques, qui se penche sur les archives – heureusement préservées - de la communauté juive de Salonique, que l’histoire bouleversante de David a pu enfin être reconstituée avec précision. Les démarches entreprises par les archivistes pour retrouver David au Canada sont elles-mêmes dignes d’un film de Claude Lelouche ! C’est l’histoire passionnante de sa rencontre avec les chercheures tout autant que la reconstitution de sa propre histoire de survivant que raconte David dans un document encore inédit, dont l’article qu’il signe dans nos pages est une version condensée.
Toujours actif dans plusieurs domaines, David a été professeur au Collège Champlain, pendant 44 ans. Il est marié et père de famille. N’est-ce pas une superbe victoire de la vie ? Comme lorsqu’on porte un toast et, qu’en hébreu, on dit L’Khaïm : «à la vie » !
David et l'équipe de chercheuses (dans l'ordre habituel) : Mmes Aliki Arouh, Areti Makri and Aigli Brouskou.
À lire : The Mysterious Jewish Orphan of Salonica
P.S. Le film grec Cloudy Sunday, réalisé en 2015 et projeté dans plusieurs salles de Montréal, porte sur la relation entre une jeune femme juive et son amoureux chrétien dans la ville de Salonique, occupée par l’armée allemande, en 1943. Il est adapté du roman Ouzeri Tsitsanis de George Skarbadonis.
21 mai 2017