Alors que le gouvernement québécois songe à déposer un projet de loi sur la laïcité, qui proclamerait que le Québec est laïque et neutre par rapport aux croyances ou non croyances, le gouvernement fédéral canadien, dirigé par le premier ministre conservateur, Stephen Harper, annonce la création du Bureau de la liberté de religion.
Intégré au sein du ministère des Affaires étrangères, l’organisme, doté d’un budget de cinq millions de dollars et d’un «ambassadeur», fera la promotion de la liberté de croyance et de religion, ainsi que du pluralisme religieux en tant que fondement essentiel du développement démocratique, a-t-on annoncé.
Mais la création de l’organisme suscite plusieurs questions. On peut en effet se demander s’il n’aurait pas été plus simple et plus approprié de mettre sur pied, au sein même de l’appareil gouvernemental, une agence faisant la promotion des libertés démocratiques.
Car les religions que l’on souhaite défendre et protéger pratiquent-elles toujours la tolérance ? L’organisme évangéliste, Crossroads, qui reçoit un demi-million de dollars en subvention du gouvernement Harper, était au centre d’une controverse, il y a à peine quelques jours. La raison de la controverse ? Crossroads énumérait une liste de « péchés sexuels » sur son site Internet, péchés décrits comme de la « perversion », dont l'homosexualité, le lesbianisme et le travestissement. Les personnes concernées étaient invitées à contacter l'organisme pour obtenir de l'aide. Ces propos compromettants ont depuis été rapidement retirés du site.
Et que dire de certains États théocratiques, tel que (entre autres) l’Iran où les homosexuels sont passibles de pendaison ? Ou l’Arabie saoudite où des lois restrictives s’appliquent aux femmes ?
En fait, la création du Bureau de la liberté de religion reflète plutôt les valeurs conservatrices de la formation de M. Harper et répond aussi à des objectifs politiques : le Parti conservateur tente par tous les moyens de séduire le vote ethnique, traditionnellemment acquis aux Libéraux.
La création de l’organisme soulève une autre contradiction et illustre bien l’absurdité de la situation. Qu’adviendra-t-il, par exemple, des athées? Le nouvel ambassadeur a vite fait de réagir à cette question en précisant que son organisme les défendrait aussi. Mais fera-t-il aussi la promotion de la non croyance ? Car son organisme porte bien le nom de «Bureau de la promotion de la liberté de croyance et de religion».
La conférence annonçant la création de l’organisme s’est tenue, faut-il le signaler, dans une mosquée, en présence des représentants de différents groupes religieux, associant ainsi le gouvernement canadien aux préceptes religieux d’un groupe spécifique, quelle que soit la forme de discrimination que ce groupe est susceptible de subir à l’étranger.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD), l’opposition officielle au Parlement canadien, a eu tout à fait raison de critiquer la création de cet organisme, en rappelant que les conservateurs avaient promis à plusieurs reprises de créer une agence du développement démocratique et qu’ils n’ont pas tenu parole.
Cette nouvelle agence «au mandat plus limité met en doute, à l'international, le dévouement des Canadiens envers les valeurs démocratiques, la tolérance et la primauté du droit. Les conservateurs ont une vision étroite de ce que peut offrir le Canada. Ils ont renoncé à encourager d’autres pays à se doter de gouvernements plus ouverts et plus démocratiques», selon M. Paul Dewar, porte-parole du NPD en matière d’affaires étrangères.
20 février 2013