M. Maka Kotto, lors d’une de ses rares sorties publiques, près de quatre mois après son élection et sa nomination au poste de ministre québécois de la culture, interrompt son silence afin de donner une leçon aux cinéphiles du Québec.
M. Kotto s’interroge sur le fait que le public québécois ne consomme pas de produits culturels. «Nous devons nous sensibiliser au fait que si nous ne consommons pas nos produits culturels, personne d’autre ne va le faire», déclare-t-il sans se soucier d’affirmer une lapalissade.
«Ça prend une ou deux générations pour nous renier nous–mêmes en nous accrochant à d’autres produits culturels venus d’ailleurs avec d’autres codes qui n’ont rien à voir avec notre réalité», prend-il plaisir à sermonner le plus sérieusement du monde, dans cet entretien publié par un quotidien de Québec.
Le ministre, nous dit-on, a demandé un avis à ses fonctionnaires afin d’identifier les raisons qui poussent le public à bouder les films québécois, car le cinéma d’ici a connu, en 2012, ses pires recettes en salles, depuis plus de dix ans.
Faut-il vraiment chercher midi à quatorze heures en procédant à des enquêtes ? Si le public québécois boude les films produits chez nous et grassement subventionnés avec l’argent des contribuables, c’est qu’il n’est pas idiot. Bien au contraire. Il en a peut-être marre de revoir les mêmes acteurs que ceux qu’il voit à la télévision québécoise et d’assister à des histoires moralisatrices, comme celle racontée dans le film Incendies, qu’on a eu la prétention, en plus, de présenter aux Oscars, ou à des navets qui évoquent le même monde (avec les mêmes acteurs) que celui de nos téléromans.
Au lieu de sermonner le public, le ministre ne devrait-il pas plutôt se pencher sur les comités et les jurys qui sélectionnent les productions pour fins de financement et leur demander de resserrer les critères d’attribution afin que l’on choisisse des œuvres qui font preuve d’originalité et de sens critique ?
Si des productions comme Crazy, Québec-Montréal, Les Amours imaginaires ont séduit le public québécois, c’est que les sujets abordés dans ces films étaient dénués du ton moralisateur souvent présent dans notre cinéma et qu'ils traitaient de thèmes inédits, parfois même tabous, avec grâce, fraîcheur et originalité.
Je suggérerais, pour ma part, humblement au ministre et à ses fonctionnaires de se pencher sur les contenus des films que les Québécois ont boudés et sur les productions québécoises qui ont séduit le public, plutôt que de sermonner ce dernier sur ces choix cinématographiques.
8 décembre 2012