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Egypte : les discriminations religieuses commencent dans les écoles

(French version only)
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president, Middle East Pact (MEP)
L’Egypte est un Etat islamique en vertu de l’article 2 de sa constitution de 1971 (modifiée en 1980) et en vigueur aujourd’hui : « l’islam est la religion de l’Etat dont la langue officielle est l’arabe ; les principes de la charia [jurisprudence islamique] constituent la source principale de législation ».

Pourtant, 15% des Egyptiens sont chrétiens selon les registres cléricaux, essentiellement Coptes orthodoxes, soit un peu plus de 12 millions d’âmes sur une population de 80 millions d’habitants. Cela signifie qu’il y a autant de chrétiens en Egypte que de nationaux musulmans en Arabie saoudite.

Cela veut dire également qu’il y a deux fois plus de chrétiens en Egypte que de Juifs en Israël et que la communauté copte est quatre fois et demi plus nombreuse que l’influente communauté maronite du Liban. Il s’agit ainsi de la communauté chrétienne la plus nombreuse du Moyen-Orient.

Ces 15% des Egyptiens n’occupent cependant que 1.5% des emplois dans la Fonction publique, ne détiennent qu’un seul siège au Parlement (sur 444) et sont quasiment exclus des hauts échelons de l’armée et de la magistrature. L’interdiction de pratiquer l’obstétrique ou d’enseigner l’arabe, les contraintes légales et administratives liées à la construction et à l’entretien des lieux de cultes chrétiens, la faible visibilité des communautés chrétiennes sur la scène politique et dans les médias officiels sont autant de preuves non seulement des discriminations bien réelles auxquelles celles-ci doivent faire face mais aussi du manque d’empressement des autorités d’y mettre fin, ce qui est régulièrement dénoncé dans les rapports annuels du Comité des droits des l’homme des Nations unies..

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Si l’Egypte souffre aujourd’hui de la montée du fanatisme religieux et des tensions à l’intérieur de la communauté musulmane, et entre les musulmans et les chrétiens, elle le doit en grande partie à un système éducatif qui vise à orienter toutes les disciplines en fonction du seul point de vue religieux islamique, y compris les matières scientifiques.

L’enseignement religieux est obligatoire

Le ministère égyptien de l’Education et de l’Enseignement assure l’enseignement des religions musulmane et chrétienne, selon des programmes gouvernementaux obligatoires, y compris dans les écoles privées. Les parents ne peuvent ni dispenser leurs enfants de l’enseignement religieux, ni choisir la religion de leurs enfants. Si l’un des deux parents est musulman, les enfants sont considérés obligatoirement comme musulmans et éduqués selon cette religion, même en cas d’apostasie des parents. Il n’existe aucune possibilité d’apprendre d’autres religions que celles reconnues par l’Etat.

Si l’enseignement religieux est obligatoire aussi bien pour les musulmans que pour les chrétiens, ce n’est pas le cas dans la pratique. Dans les écoles gouvernementales, l’enseignement de la religion chrétienne est confié à un enseignant chrétien lorsqu’il y en a un. A défaut, c’est un enseignant musulman qui se charge de cette matière selon le programme gouvernemental ! Il arrive souvent que certaines écoles mettent purement et simplement l’élève chrétien dans la classe de religion musulmane, ou l’envoie en récréation.

Toute école – même les écoles privées chrétiennes – doit avoir un lieu de culte pour les élèves musulmans, mais l’inverse n’est pas vrai y compris dans les écoles gouvernementales. Les écoles chrétiennes qui exigent le port de l’uniforme ne peuvent s’opposer au port du voile. Enfin, une école chrétienne ne peut refuser un écolier musulman, tandis que dans de nombreuses écoles islamiques l’inscription est interdite aux non-musulmans.

Bien que de différentes confessions soient souvent représentées au sein d’un même établissement, il n’y a jamais de réunions œcuméniques. Les bibliothèques des écoles gouvernementales ne contiennent pas d’ouvrages religieux chrétiens. Le proviseur est habilité à retirer un livre suspect, c’est-à-dire non conforme à l’orthodoxie musulmane sunnite. Cette imperméabilité à la religion chrétienne contraste avec l’intégration de l’enseignement religieux musulman dans les manuels de langue arabe destinés aux chrétiens autant qu’aux musulmans.

L’islam est enseigné en cours d’arabe

En effet, l’enseignement religieux ne se limite pas au cours de religion stricto sensu : il déteint sur d’autres cours, et particulièrement le cours de langue arabe. Bien que les chrétiens représentent près de 15% de la population égyptienne, tous les auteurs des livres de langue arabe sont musulmans. Souvent chargés de l’enseignement religieux, les enseignants de langue arabe doivent impérativement être diplômés de la faculté des lettres d’une université publique, de l’université d’Al-Azhar ou de la faculté de Dar al-Ulum (qui dépend de l’Université du Caire), ces deux dernières étant interdites aux élèves non musulmans.

Les manuels de langue arabe sont fortement marqués par les préoccupations religieuses islamiques. Dans l’introduction de l’un de ces ouvrages, on peut lire par exemple que son but est de « graver dans le cœur des élèves les hautes valeurs qui approfondissent la foi en Allah et en la religion [musulmane] ». Ces manuels comportent de nombreux textes coraniques et récits de Mahomet mais pas une seule référence biblique. Les thèmes de ces ouvrages se rapportent uniquement à la période postérieure à la conquête musulmane de l’Egypte, les périodes pharaonique ou copte étant complètement escamotées.

L’élève chrétien est obligé d’apprendre et de réciter des formules et des concepts purement islamiques. Lors des récitations, chaque texte coranique est précédé par la formule « Bism Allah el-rahman el-rahim » (Au nom d’Allah le clément et le miséricordieux) et la locution : « Allah a dit… » Les questions reviennent avec insistance : « Que dit Allah ? » De nombreux textes s’efforcent d’inculquer aux élèves les vertus sociales et le comportement juste, mais toujours à partir de textes islamiques, extraits le plus souvent du Coran et des hadith (paroles de Mahomet). L’islam s’octroie ainsi le monopole de la vertu et des bonnes actions. Un livre parmi d’autres apprend à tous les élèves, sans distinction, comment échapper à l’enfer : croire en Allah, prier, jeûner pendant le Ramadan et accomplir le pèlerinage à la Mecque. Les non-musulmans apprennent qu’ils n’échapperont pas au châtiment divin. En littérature, des extraits du Coran doivent être appris par cœur. Le lycéen chrétien a une connaissance parfaite de l’islam, tandis que son compatriote musulman ignore tout du christianisme.

Un ras-le-bol de l’intelligentsia

De nombreux intellectuels, aussi bien chrétiens que musulmans, appellent au retrait de la religion des programmes d’enseignement, pour la remplacer par l’enseignement d’une éthique commune, en laissant aux différentes communautés le droit d’enseigner à leurs adeptes leur foi dans un cadre privé. C’est le cas de Sayed el-Qemni, Nawal Saadawi, Ali Salem et autres écrivains musulmans, tous menacés par les islamistes dans l’indifférence des autorités publiques. De plus, pour éviter que l’enseignement extrascolaire ne devienne le repère d’un fanatisme incontrôlable, il doit garantir la liberté de pensée et interdire tout recours à la violence selon Saadawi qui s’est exilée à deux reprises pour fuir les menaces de mort. L’essentiel demeure ainsi, aux yeux d’une partie de l’intelligentsia égyptienne, de trouver un « vivre ensemble » dans une société en pleine mutation. La question qui se pose : le régime vacillant de Moubarak serait-il capable de s’engager dans un processus de réforme du secteur éducatif au risque d’une confrontation avec les Frères musulmans ? Il n’y a rien de plus incertain.


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