Les prestations de serment et la liberté religieuse aux États-Unis

par Lea Terhune
La déclaration de M. Keith Ellison, nouveau représentant du Minnesota et premier musulman élu à la Chambre des représentants, selon laquelle il avait décidé de prêter serment sur le Coran a éveillé un nouvel intérêt dans le mode de prestation de serment des parlementaires américains. L'utilisation du Coran lors d'une prestation de serment n'a pas manqué de retenir l'attention.
Bien qu'en général les parlementaires américains prêtent serment en plaçant l'une de leurs mains sur la Bible, la Constitution des États-Unis interdit d'exiger une profession de foi religieuse pour qu'une personne puisse occuper des fonctions ou des charges publiques. Son article VI stipule : « Les sénateurs et représentants (...) seront tenus par serment ou affirmation de défendre la présente Constitution ; mais aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou charges publiques sous l'autorité des États-Unis. »
Les fondateurs des États-Unis étaient très conscients de l'importance de la liberté religieuse. Les premiers colons, les Pèlerins, qui étaient membres d'une secte chrétienne, sont venus en Amérique du Nord, parfois au péril de leur vie, pour échapper aux persécutions religieuses en Angleterre. Désireuses de jouir de la liberté religieuse, une multitude d'autres personnes de divers pays et de diverses confessions les ont suivis. Dès les premiers jours de la République américaine, il a été impensable et illégal de faire de l'appartenance à une religion une condition préalable à l'exercice de fonctions publiques.
La première loi adoptée par le Congrès en 1789 est celle qui énonce le serment suivant : « Je jure solennellement de défendre la Constitution des États-Unis. » Après la guerre de Sécession, ce serment a été assorti d'une clause de loyauté. De nos jours, les membres de la Chambre des représentants lèvent la main droite, tous ensemble, pour prêter serment sous la direction du président de cette chambre. Aucun texte sacré n'est nécessaire. Ceux qui le souhaitent peuvent prêter serment, lors d'une cérémonie séparée, sur le livre de leur choix, et certains commémorent l'événement par la prise d'une photographie.
Du fait que les États-Unis sont un pays à majorité chrétienne, le président des États-Unis et les autres hauts responsables de l'État ont pris l'habitude de placer leur main sur la Bible lorsqu'ils prêtent serment, mais ce n'est pas une obligation. Fervent partisan de la laïcité, le président John Quincy Adams a prêté serment sur un livre de droit contenant la Constitution des États-Unis. Le président Théodore Roosevelt n'a utilisé aucun livre. Les présidents Franklin Pierce et Herbert Hoover n'ont pas juré, mais promis de remplir fidèlement leurs fonctions et de défendre la Constitution des États-Unis. Des parlementaires juifs ont apporté des textes sacrés juifs ou considéré l'Ancien testament de la Bible comme faisant partie des textes sacrés juifs. Le président John Kennedy, qui était catholique, a placé sa main sur une version catholique de la Bible.
L'introduction du Coran lors de la prestation de serment d'un parlementaire témoigne de la diversité religieuse croissante des États-Unis. Le Coran utilisé par M. Ellison a appartenu au troisième président des États-Unis, Thomas Jefferson. La Bibliothèque du Congrès, à laquelle Jefferson a offert ce livre en 1815, l'avait prêté au nouveau parlementaire. Il s'agit d'une traduction anglaise d'un livre publié en arabe en 1734, à Londres.
Thomas Jefferson, qui s'intéressait beaucoup aux questions de religion, a écrit dans une lettre qu'il a adressée en 1802 à une association de baptistes : « Je considère avec une révérence extrême la loi du peuple américain déclarant que le Congrès ne doit « pas faire de loi relative à l'établissement d'une religion ou en interdisant le libre exercice », car elle érige ainsi un mur de séparation entre l'Eglise et l'État. »
Les premiers musulmans sont arrivés aux États-Unis à bord de négriers venus d'Afrique. L'un d'eux, Abdour Rahman Ibrahima ibn Sori, a été transporté de Guinée au Mississippi au début du XIXe siècle. Il a obtenu sa liberté grâce à l'intercession d'un sénateur du Mississippi, Thomas Reed, et du sultan du Maroc, qui ont adressé une pétition en sa faveur au président John Quincy Adams.
De nos jours, on compte plusieurs millions d'Américains qui sont musulmans. L'élection de M. Ellison et son utilisation du Coran lors de sa prestation de serment illustrent la liberté religieuse énoncée dans la Constitution et la contribution à la société américaine des fidèles de diverses religions.
Source : US Info
** M. Keith Ellison, nouveau représentant du Minnesota et premier musulman élu à la Chambre des représentants.