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Québec : diversité religieuse et apprentissage de la cohabitation

© Marcel Tremblay*
La multiplication des groupes religieux à l’Université Laval serait-t-elle un signe de regain de religiosité ? Une bonne douzaine de prospectus de groupes confessionnels remplissent les panneaux situés en face ...
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La multiplication des groupes religieux à l’Université Laval serait-t-elle un signe de regain de religiosité ?

« Pas exactement », explique Guy Saint-Michel, coordonnateur du Bureau d’animation religieuse de l’Université Laval. « Je n’observe pas un retour à la pratique religieuse en fonction du nombre de fidèles. Cependant, je sens plus d’aisance de la part des gens pour parler de leurs convictions religieuses. »

Une bonne douzaine de prospectus de groupes confessionnels remplissent les panneaux situés en face du Bureau d’animation religieuse de l’Université Laval, à Québec. Et il y en a pour toutes les croyances. L’opuscule de Campus pour le Christ côtoie celui du Comité islamo-chrétien, alors que le dépliant du Cercle Gandhi se trouve à quelques centimètres du tract de la communauté copte orthodoxe. On découvre même des groupes aussi méconnus que la Daara Kanzul Moukhtadine (une confrérie musulmane de tendance soufie), le Groupe chrétien(ne)s homosexuel(le)s ou encore le Groupe biblique étudiant(e)s en action (d’inspiration évangéliste).

En 1980, un froid s’installait quand je me présentais comme un animateur de pastorale. Depuis cinq à six ans, c’est le contraire. Il faut aussi préciser que si la communauté catholique reste assez stable, les autres groupes religieux, comme les protestants évangélistes ou les musulmans, connaissent une énergie folle. Pour beaucoup d’étudiants étrangers, la participation à ces activités spirituelles est aussi un moyen de briser l’isolement. »

Étudiante au doctorat en biochimie à l’Université Laval, près de Québec, et mère de deux enfants, Charlotte Habegger-Polomat a connu la foi bahaïe très tôt. « Je suis née en Indiana dans une famille bahaïe. Quand j’avais sept ans, mes parents se sont installés en Martinique pour vivre leur croyance. Ce sont en quelque sorte des pionniers », explique celle qui officie à titre de coordonnatrice de Association d’études baha’ies (on peut aussi écrire bahaïes) de l’Université Laval (AEBUL).

Créée en 1976, cette association est tombée en désuétude en 1991 avant d’être remise sur pied à l’automne 2003, par Charlotte Habegger-Polomat.

« Nous travaillons en faveur de l’unité des races 
et des religions »

« Le but n’est pas de convertir, mais de discuter avec les gens. Nous travaillons en faveur de l’unité des races et des religions et c’est une bonne chose de constater que le nombre de fidèles augmente », explique-t-elle.

Peu de gens connaissent cette jeune religion, fondée en Iran au milieu du XIXème siècle. Certains pensent, à tort, qu’il s’agit d’une secte de l’Islam. Depuis 1948, la Communauté internationale bahaïe est reconnue au titre d’une d’organisation non gouvernementale auprès de l’ONU. Elle possède un statut consultatif auprès d’organismes aussi prestigieux que l’UNICEF. Les adeptes de Bahá’u’lláh ne sont pas peu fiers de signaler que leur foi « est, sur le plan géographique, la deuxième religion la plus répandue dans le monde après le christianisme, avec plus de 5 millions de membres appartenant à 2100 ethnies, présents dans plus de 190 pays et 46 territoires dépendants (…). Ses écrits sont traduits dans plus de 800 langues. »

Shoghi Effendi a énoncé les principes de cette croyance. Il s’agit d’affirmer « l’unité de Dieu et de ses prophètes », de condamner tous les préjugés, de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, de concilier la science et la religion et d’inciter chacun à la « recherche sans entraves de la vérité ».

En 1844, selon les sites Internet des bahaïs, le Báb, qui est considéré comme un prophète par les bahaïs, annonce la venue d’un Messie. Mal lui en a pris, puisqu’il fut fusillé six années plus tard. En 1863, Mirza Husayn Ali (Bahá’u’lláh) entend l’appel du Báb et accepte la tâche de « Promis universel ». S’ensuit une quarantaine d’années d’exil à Bagdad, à Constantinople et à Andrinople. Plus tard, Shoghi Effendi, un descendant de Bahá’u’lláh, est nommé « Gardien de la foi ». C’est lui qui organise l’ordre administratif bahaï, tel qu’il est connu aujourd’hui. Depuis 1963, c’est la Maison universelle de Justice - un collège de neuf personnes - qui dirige la communauté.

Au Canada, on estime le nombre d’adeptes à 25 000. Ils sont concentrés, pour la plupart, dans les grands centres urbains comme Montréal et Vancouver. À Québec, il y a une centaine d’adeptes dont douze (six professeurs et six étudiants) sont membres de l’AEBUL.

C’est par un ciel maussade de la fin janvier que la rencontre bimensuelle des bahaïs de Québec a lieu. La réunion ne regroupe guère plus que trois personnes. Ils s’affairent à coudre des couvertures, qui seront par la suite distribuées aux enfants hospitalisés au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL).

Vivre sa religion librement

Outre la coordinatrice, Charlotte Habegger-Polomat, deux autres bahaïs sont présents : Payman Fozi, étudiant en pharmacie, et Alexandra Leduc, étudiante en biochimie. Tout comme Charlotte, les deux jeunes de 22 ans ont découvert la foi bahaïe très jeunes.

La mère d’Alexandra, plutôt athée, déménage de Montréal à Gaspé en 1987. C’est là qu’une de ses connaissances lui fait connaître des principes qui la séduisent.

« Ce que ma mère a aimé, c’est de pouvoir vivre sa religion sans devoir rendre de comptes à personne », précise Alexandra. Même si elle ne crie pas ses croyances sur tous les toits, la bachelière trouve ses concitoyens ouverts et curieux. « En discutant avec une amie, j’ai même découvert qu’un professeur leur a parlé de cette religion à l’école secondaire », précise-t-elle.

Payman Fozi est d’origine iranienne. Il est fier que la foi bahaïe soit fortement enracinée dans sa famille.

« Dans la famille de mon père, nous sommes bahaïs depuis cinq générations. Côté maternel, cela remonte à quatre générations. Mes aïeux ont connu la répression à l’époque du Báb. Plus récemment, j’ai un oncle qui a fait des années de prison au milieu des années 1980, juste après le déclenchement de la révolution iranienne », dit-il

Quand on leur demande de décrire les relations qu’ils ont avec les autres groupes religieux de l’Université Laval, les trois fidèles tombent d’accord. « Nous essayons de développer les liens. On les invite à nos activités. Mais comme nous sommes tous étudiants, le manque de temps nous empêche de tisser des collaborations plus solides. »

Charlotte, Payman et Alexandra insistent sur les difficultés vécues par les bahaïs dans certains coins du monde. « Nous ne sommes pas reconnus dans certains pays comme la Chine. En Iran, (où vivent 300 000 bahaïs), l’intolérance est très forte. Il y a un mois, il y a même eu un mort en prison suite à de mauvais traitements », déplorent-ils.

Le 16 décembre 2005, l’Assemblée générale de L’Organisation des Nations Unies a exprimé « une inquiétude sérieuse » concernant la situation des droits de l’homme en Iran, en citant spécifiquement les discriminations vécues par les bahaïs. Charlotte, Payman et Alexandra sont heureux d’apprendre que cette résolution a été proposée par le Canada.

Une cohabitation à construire

En été 2005, l’affaire a fait grand bruit. Elle a même eu les honneurs de la une du quotidien Le Soleil. On y rapportait la controverse autour de la salle Marie-Guyart, une chapelle que l’Université Laval voulait réaménager pour accueillir la Salat Al Joumouâ, la prière musulmane du vendredi. Une décision qui a fortement déplu au Père Paul Karim de la Mission melkite (chrétiens d'origine arabe). Début juillet, celui qui célébrait les messes depuis une trentaine d’années annonçait à ses ouailles qu’il quittait l’endroit.

Le raisonnement du Père Karim est fort simple. « Si on se permet de dire : “mosquée un jour, mosquée toujours”, on doit sûrement dire aussi : “chapelle un jour, chapelle toujours” » a-t-il déclaré au journal Impact Campus.

Si le Bureau d’animation religieuse a pensé à ce réaménagement, c’est que la salle Newman, réservée exclusivement aux musulmans, ne suffisait plus aux besoins de cette communauté. « Le local peut contenir 150 chaises. Pour la prière, il est nécessaire d’apposer des tapis, ce qui limite le nombre de places à 120. Or, il y a régulièrement de 200 à 250 personnes qui veulent observer leur acte de foi hebdomadaire. J’ai déjà vu des fidèles prier dans les couloirs », s’indigne Nafaâ Jabeur, le président de l’Association des étudiant(e)s musulman(e)s de l’Université Laval (AÉMUL). Cet organisme regroupe plus de 150 étudiants parmi le millier de musulmans sur le campus.

La sortie publique du Père Karim a contraint l’AÉMUL à maintenir le statu quo.

S’il précise que « les musulmans n’ont jamais demandé et n’ont jamais été chauds à l’idée de prier dans une chapelle », M. Jabeur insiste sur le fait que « la situation actuelle n’est plus sécuritaire. Il va falloir trouver une solution rapidement ». Le président de l’AÉMUL a préféré ne pas commenter les sorties publiques du Père Karim pour, dit-il, « calmer les passions et prendre une distance avec tout cela ». Il n’en demeure pas moins qu’un sentiment d’amertume habite une large part des étudiants musulmans. « J’ai même reçu un courriel d’un étudiant catholique qui me disait être déçu par la position du Père Paul Karim », lance celui qui est en train d’achever un doctorat en informatique.

Selon le Père Karim, le sujet est clos. « Depuis notre départ de l’Université Laval, nous avons été très bien accueillis dans une chapelle irlandaise du quartier Sillery. Ceci dit, je pense toujours que le fait de prier dans une chapelle serait une régression, contraire aux valeurs spirituelles musulmanes. Une sorte d’adultère religieux et spirituel si vous voulez », lance-t-il.

Entre temps, la communauté musulmane de Québec (6 000 membres, selon les estimations les plus conservatrices) tente de construire une mosquée. Une collecte de fonds, sous l’égide du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), a commencé depuis des années. Sur les 2 à 3 millions de dollars nécessaires, seuls 567 000 $ ont été amassés. Boufeldja Benabdallah membre du CCIQ, affirme que « la Ville de Québec a accepté le principe d’aider le CCIQ pour que ce projet puisse voir le jour. Mais il s’agit d’un dossier qui doit être soutenu, avant tout, par les musulmans de Québec, car il y a un réel besoin ».

Du côté des autorités municipales, l’idée de départ était d’offrir un terrain au CCIQ pour le coût symbolique de 1 $. Faute de sites disponibles, les responsables à l’hôtel de ville de Québec ont opté pour une autre forme d’aide. « Nous offrons un service professionnel. Un urbaniste de la Ville collabore depuis un an avec le Centre. Il pourrait aussi aider le CCIQ dans des travaux de transformation, au cas où ce dernier opterait pour l’achat d’un immeuble », explique le porte-parole de la Ville de Québec, François Moisan.

Au-delà du discours convenu sur l’importance de l’intégration des immigrants, les relations entre la communauté musulmane et son milieu n’est pas toujours au beau fixe. Tout comme dans l’exemple des bahaïs, ce sont les heures consacrées aux cours qui empêchent les membres de l’AÉMUL de développer plus de liens avec les autres groupes présents sur le campus, qu’ils soient religieux ou non : « N’oublions pas que nous sommes tous aux études. Ceci nous prend énormément de notre temps. Il faut aussi avouer que certains ne comprennent pas toujours que nous ne puissions pas participer à des activités où l’on sert du vin, par exemple », ajoute le président de l’AÉMUL.

Quand on lui demande si l’élection à la mairie de Québec de Mme Andrée Boucher le rend optimiste, M. Jabeur répond : « Ce qui est bien ici, c’est qu’il y a des institutions qui font que personne ne peut t’arracher tes droits. Il y a toujours moyen de protester si on se sent discriminé. »

« Bizarrement, les gens qui viennent du Lac Saint-Jean et qui sont installés à Québec ont une plus grande ouverture d’esprit envers nous. Cela doit être lié au côté accueillant et convivial des personnes qui ne sont pas nées dans les centres urbains », juge-t-il.


* Québec. Le Château Frontenac.
imagesdequebec.com

Pour en savoir plus:

Livres :

CANNUYER, Christian. Les Baha’is : peuple de la triple unité, Paris, Brepols, 1987, 202 p.

LAMBERT, Suzanne. L’Islam en contexte québécois : le cas des étudiants musulmans de l’Université Laval, Thèse (M.A.) en théologie, Québec, Université Laval, 1994, 150 p.

PRONOVOST, Gilles, ROYER, Chantal. Les valeurs des jeunes, Québec, Presses de l'Université du Québec, 2004, 252 p.

ROBERT, Monique. Intégration culturelle des bahaïs iraniens au Québec, Thèse (M.A.) en sociologie, Québec, Université Laval, 1989, 228 p.

SOURDEL, Dominique. L’islam, collection Que sais-je? , Paris, Presses universitaires de France, 2002, 127 p.

Sites web :

www.bahai.fr

www.bahai.com


Cet article fait partie d'une série sur la diversité des valeurs et des croyances religieuses dans les milieux collégial et universitaire réalisée grâce à la contribution financière de :






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Salutations
par hatem rokbani le 19 juin 2008

nous devons etre ensemble avoir beaucoup de tolérence envers les autres peuples différent de nous dans la religion les pensées et beaucoup d'autres chose  et dans tout les  domaines   soyons uni   dans tout  ce qu'on fait  merci  a vous et n'oubliez pas d'etre  tolérent

Tolérance
par hatem rokbani le 18 mars 2008

salut pourquoi ne pas vivre ensemble accépter nos différences

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